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Oz. Un an en australie (et plus si affinités)

J+344 — Les tramways des mines abandonnées de Charming Creek et Denniston

Publié le

La Nouvelle-Zélande et l’Australie ont connu une époque prospère où il était très bien vu de trouer les montagnes comme du gruyère, de tronçonner les forêts par régions entières ou de déverser des tonnes de matériaux toxiques directement dans les rivières. Cette époque c’est l’ère industrielle qui s’étendit depuis la fin du dix-neuvième siècle jusqu’au milieu du vingtième. Mais depuis maintenant plus de soixante-dix ans les mines d’or, de charbon et autres métaux précieux se sont taries ou sont devenues trop peu rentables à exploiter, le bois est coupé et transporté par camion plutôt que par train et les produits toxiques sont partis polluer l’océan. Mais sont restées les traces de cette époque d’euphorie capitaliste où l’on détruisait en quelques mois ou années ce que la nature a mis des milliers ou millions d’années à créer, sans compter le nombre de vies détruites, le tout pour un salaire de misère et des fortunes illusoires qui aujourd’hui ne permettraient même plus de se payer un iPhone. C’est dire à quel point tout cela fut vain.

En Australie la tendance a été de démonter les installations, refondre les rails des tramways des mines pour fabriquer des tanks et des munitions pour la seconde guerre mondiale, un autre moment de gloire du capitalisme où les fabricants d’armes réussirent à vendre leur camelote aux deux camps. Mais cessons de diverger. En Australie — où l’agression de l’Homme sur la nature continue de faire partie du quotidien via la puissante industrie minière — s’il n’est pas rare de se retrouver à randonner sur un sentier qui fut autrefois une voie ferrée (voir par exemple notre balade à Wollemi National Park, à J+280), il n’en reste en général pas grand chose.

En Nouvelle-Zélande c’est différent : peut-être que l’effort de guerre était moins important, ou qu’il était trop coûteux de démanteler les milliers de voies de chemin de fer semi-abandonnées qui jonchaient le pays, en tout cas une chose est sûre : tout est resté en place à de nombreux endroits. On l’a déjà vu à Broken Hills (J+332) ou Karangahake (J+333) sur l’Île Nord. Mais ici sur l’Île Sud c’est notre première découverte d’un endroit de ce genre, enfin si on omet un petit tunnel ferroviaire sur le camping de Kawatiri hier.

Et nous allons même voir deux de ces endroits aujourd’hui. Le premier est Charming Creek. C’est une ancienne voie de tramway qui servait aux mines et aux scieries et qui suit le cours de la rivière Ngakawau sur une dizaine de kilomètres. Ici quasiment tout est resté en place : tous les rails sont encore là, enfin quand ils ne se sont pas effondrés au fond de la gorge, et il y a même encore des wagonnets, des morceaux de locomotive, de ponts, et bien sûr des tunnels.

Aujourd’hui alors que nous partons pour effectuer la moitié de Charming Creek Walkway (soit 10 km aller-retour) le temps hésite entre grisaille insistante et légère pluie tranquille. En tout cas c’est humide, en attestent la rivière Ngakawau en contrebas et les nombreuses cascades qui traversent le sentier.

Charming Creek
Parfois le rail semble être le seul élément qui empêche le chemin de s’écrouler au fond de la gorge…

Malgré l’humidité la marche n’est pas déplaisante, et nous nous arrêtons souvent pour contempler les rails tombés au fond et qui restent échoués là, coincés dans les rochers. Le paysage est singulier, avec les rails rouillés, abandonnés et recouverts de végétation qui donnent un aspect post-apocalyptique au paysage. En un sens c’est effectivement un lieu qui montre la fin d’une civilisation qui a tout abandonné sur place.

Après le passage d’un très long pont suspendu au dessus de la rivière qui bouge dans tous les sens nous passons une partie où un troisième rail central en bois vient compléter les deux autres rails en acier. Celui-ci servait à freiner les wagons dans une pente plutôt importante. Le pont offre également une superbe vue sur les grandes chutes d’eau de Mangatini dont le son sourd résonne dans les tunnels traversés par le sentier.

Enfin nous arrivons au site de l’ancienne scierie, qui marque notre point de retour et le point de divergence entre le sentier qui suit les rives de Charming Creek et les rails qui disparaissent dans une épaisse forêt moussue.

Nous redescendons la gorge entre les rails jusqu’au parking. Là un immense train de l’autre mine de Charming Creek, celle qui est toujours active, s’engage sur quelques mètres sur les rails que nous venons de parcourir pour faire demi-tour. Moi je serais conducteur de train je serais pas rassuré de conduire une loco de plusieurs centaines de tonnes vu qu’à peine quelques dizaines de mètres plus loin ces rails ne sont plus qu’un ancien souvenir coincé dans les tréfonds de la gorge…

Nous reprenons la voiture pour la seconde mine semi-abandonnée de la journée : Denniston. Semi-abandonnée car si le gisement de charbon historique n’est plus exploité, d’autres gisements sont toujours exploités sur le plateau. D’ailleurs il y a quelques mois une entreprise minière a obtenu le feu vert pour y créer la seconde plus grande mine à ciel ouvert de Nouvelle-Zélande, malgré l’opposition des groupes écologistes.

Nous nous dirigeons vers le bas de Denniston Incline, qui fut un ingénieux système où les wagons vides étaient hissés en haut par le poids des wagons pleins qui descendaient, via des poulies et câbles. Fut, car depuis le bas et seulement quelques centaines de mètres plus loin nous tombons sur un pont qui s’est effondré, visiblement on ne peut pas suivre les rails ou ce qu’il en reste sur toute la longueur du parcours.

En réalité le livre qui nous a amené jusque là indique un autre sentier, Bridal Track, utilisé pour transporter personnes et matériel depuis le fond de la vallée jusqu’à la ville de Denniston en haut du plateau. Le sentier a été construit après plusieurs accidents où des personnes transportées dans les wagons ont péri suite à une rupture d’un câble ou au déraillement d’un wagon. Aujourd’hui les wagons ne bougent plus, Denniston est une ville fantôme et le sentier n’est plus que pratiqué par quelques randonneurs.

Vu que la pluie a redoublé d’efforts nous renonçons à marcher des heures sous l’eau. Nous reprenons la voiture pour atteindre le haut, où nous nous retrouvons plongés dans un épais brouillard givrant qui nous refroidit instantanément.

Nous passons pas mal de temps à lire les panneaux expliquant l’historique de la ville et la vie dans les mines, c’est très intéressant. Il reste encore beaucoup de vestiges des équipements ici, plusieurs wagons, beaucoup de rails, des vestiges du système de godets sur câble qui remplaça les wagons en 1952, mais aussi des grands tas de ferrailles non identifiées dans les coins. Au milieu de tout ça la compagnie minière organise des visites guidées payantes de l’ancienne mine. Étrange. Le décor est inquiétant, surtout baigné dans la brume, qui finit par disparaître et nous laisser entrevoir les plages du littoral de l’océan où il semble briller un beau soleil. Encore une fois il semble que nous avons fait le mauvais choix, mais c’est tellement plus intéressant que de paresser sur la plage.

Comme il était encore assez tôt dans l’après-midi nous pensions pouvoir terminer la journée avec une autre balade. À 80 kilomètres de là nous atteignons donc l’embouchure de la Fox River, nous nous garons et partons pour une balade prévue pour durer 2h30 aller-retour. L’objectif est d’atteindre Fox Cave, une grotte qu’il est possible d’explorer sans équipement de spéléologie. Mais pour y parvenir il faut traverser à deux reprises la rivière. On a prévu le coup : on a enfilé nos sandales et on a pris une serviette pour se sécher les jambes. Au bout de 40 minutes de marche nous atteignons le premier passage. L’eau semble moyennement profonde et le courant pas trop important, je m’y essaye donc : une fois le pantalon ôté et placé dans mon sac à dos je commence à traverser, aidé d’un bâton. Sauf qu’au milieu de la rivière j’ai déjà de l’eau jusqu’aux hanches et le courant est beaucoup plus fort que je ne le pensais, il m’est difficile de lutter et garder l’équilibre. L’eau est froide et je ne souhaite pas tomber dans l’eau, je décide donc d’abandonner la traversée à ce point. Si nous avions été en été avec un beau soleil pourquoi pas, mais il doit faire 7°C et on ne peut pas dire que ce soit une température très clémente pour prendre un bain dans une eau qui doit être à 3 ou 4°C.

Une fois de plus l’eau de la Nouvelle-Zélande nous barre le chemin. On commence à s’habituer mais ça en devient lassant.