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Oz. Un an en australie (et plus si affinités)

J+290 à J+292 — En passant par les alpes australiennes

Publié le

Pour notre dernière journée dans le New South Wales nous nous rendons dans Morton National Park pour gravir le sommet de Pigeon House, une petite randonnée connue et décrite dans notre livre « 40 Great Walks in Australia ». Pour s’y rendre il faut parcourir 14 kilomètres de dirt road, en bon état, étroite et indiquée comme étant pour 4x4 seulement en cas de pluie. Bon on croise les doigts pour qu’il ne pleuve pas. Beaucoup de virages, de ponts en bois à peine assez larges pour le van ou de nids de poule qui exigent de ralentir au 2 km/h pour ne pas s’envoler dans le décor. J’aime bien conduire sur ces petites routes, cela demande une conduite bien plus technique que sur route, beaucoup d’attention et de prudence, car à tout moment peut surgir un 4x4 dans l’autre sens, ou plus simplement un arbre renversé en travers de la route, un gué infranchissable ou une flaque de boue transformant le passage en patinoire. C’est crevant de porter autant d’attention à la conduite et de regarder le moindre détail de la route mais c’est vraiment les moments de conduite que je préfère. Qui eût cru que le convaincu du vélo que je suis soit pris la main dans le sac à aimer faire du 4x4 ? Pas moi en tout cas.

Le parking du départ de la balade, malgré qu’il soit paumé dans les bois est comme d’habitude un exemple même de l’organisation australienne : des toilettes sèches quasiment neuves avec un toit transparent pour admirer les arbres, un abri avec des tables, un réservoir d’eau de pluie, des panneaux informatifs… Et le début de la balade bien sûr. C’est une ascension difficile qui nous accueille. Non pas que cela soit techniquement complexe, le sentier étant copieusement aménagé de marches faites avec des rondins de bois, mais c’est plutôt l’effort à fournir pour monter qui me fait souffler et faire des pauses régulièrement. La montée n’était pas très drôle et un peu ennuyante mais on arrive sur un large col qui nous permet quelques kilomètres de détente au milieu de la forêt, avant de grimper jusqu’au sommet avec de nombreuses échelles et escaliers en métal. En haut nous bénéficions d’une jolie vue sur le parc national : des monts Budawang à l’océan et les plages de Jervis Bay, il y a de quoi profiter. Hélas la vue est un peu ternie par le temps gris qui ne met pas en valeur le paysage.

On redescend tranquillement, car il est encore tôt, la balade n’était pas vraiment longue. Au final on est un peu déçus, on trouve la rando un peu trop aménagée, bétonnée et aseptisée pour apprécier pleinement. Sans compter les multiples déchets laissés là, démontrant la popularité du coin. C’est probablement la rando la moins sympa que l’on ait fait dans le NSW.

Ici même les rochers ont droit à leur morceau de métal pour ne pas dénoter.

Pour se consoler notre camping sera plus joli qu’hier soir où nous étions coincés en bord de route. Ce soir nous rejoignons Yadboro Flat, un camping gratuit que l’on rejoint après 7 nouveaux kilomètres de dirt road. Si la voiture à moitié désossée et abandonnée au bord de la rivière à 200 mètres du camping nous refroidit un peu, heureusement le camping lui-même est un peu plus chouette, et surtout désert, enfin jusqu’à l’arrivée d’un couple d’Australiens venu en 4x4 avec sa remorque de camping. Véritable institution australienne, la remorque (camping trailer) est un peu la version locale de la tente Decathlon 2 secondes. Sauf qu’ici la tente est contenue dans la remorque, et se déplie en deux heures (si vous êtes doué) pour vous offrir selon les options une ou plusieurs chambres équipées avec matelas (le matelas se déplie en même temps), une pièce de vie avec cuisine, donnant au final une installation énorme. Alors certes la remorque repliée est petite, plus petite qu’une caravane pliante, mais une fois dépliée on a l’impression qu’ils construisent une maison Ikea en kit. Ajoutez à cette installation grand luxe un groupe électrogène à essence pour faire fonctionner la télé et la bouilloire, ainsi qu’une cabine de douche pliante probablement équipée d’un chauffe-eau électrique et vous avez le même confort que dans une maison de ville, au milieu de nulle part. Bon c’est une conception du camping, pourquoi pas, je trouve juste que c’est un peu beaucoup pour juste camper une ou deux nuits…

Nos voisins mettront donc près de trois heures à s’installer, heureusement éclairés par leurs projecteurs alimentés par leur groupe électrogène. Nous, nous nous sommes installés en quelques minutes, le temps habituel de ne pas nous mettre d’accord sur le meilleur emplacement pour se garer. Et pendant ce temps-là nous en avons profité pour lire un bon roman alors que les vaches se promenaient librement sur le camping. Je trouve que c’est une meilleure utilisation du temps…

Après une nuit de repos bien mérité nous reprenons la route, cette fois en direction de l'Australian Capital Territory, le plus petit état (en fait un territoire, comme le Northern Territory, mais j’ai pas compris la différence) d’Australie qui accueille la capitale politique, Canberra, et ses milliers de fonctionnaires. Historiquement Canberra a été créée, car le conflit d’égo entre Sydney et Melbourne au sujet de quelle ville devait être la capitale de la fédération n’était plus tenable, il a donc été décidé de créer une capitale à mi-chemin des deux villes et de lui adjoindre un petit territoire, au bord des alpes australiennes.

C’est là que nous allons : dans les alpes, car Canberra ne nous intéresse que peu en réalité. Nous voulions avoir une expérience de ces montagnes, surtout en cette saison hivernale où elles sont recouvertes de neige, et pour cela il y avait trois possibilités. La première c’était Alpine National Park dans le Victoria. Notre bouquin de randonnée nous indiquait une balade là-bas, mais à faire uniquement en été, à cause des risques d’avalanche, des sentiers non marqués et des températures polaires. De plus rien que pour atteindre le départ de la balade il fallait se procurer des chaînes pour affronter les routes enneigées et verglacées. Et les chaînes ça coûte cher, sans compter qu’on ne se voyait pas trop sur des routes enneigées de montagne avec notre tas de ferraille qui tombait en panne à la moindre occasion. La seconde possibilité c’était Kosciuszko National Park (on a renoncé à essayer de le prononcer) dans le New South Wales, mais non seulement l’entrée du parc est payante et relativement chère, mais de plus se pose le même problème de chaînes. Il ne nous restait donc plus que le troisième et dernier parc national des alpes australiennes : Namadgi National Park, situé dans l’ACT. C’est donc notre direction, malgré le fait que cela implique un bon détour sur la route de Sydney à Melbourne.

Mais avant de quitter le NSW nous passons à Ulladulla pour faire un ravitaillement de nourriture et échanger gratuitement les livres que nous avons lus pour de nouveaux au book exchange de l’office de tourisme. On arrive à Canberra sur le tard, vers 15h30, ce qui ne nous laisse que peu de temps pour explorer le musée national, dommage ça avait l’air si passionnant. On a notamment vu un crâne momifié de tigre de Tasmanie, vieux de 3.000 ans et découvert dans le Western Australia, à une époque où ces animaux étaient donc encore répandus sur tout le continent australien. Je suis aussi tombé d’admiration devant le beau vélo de course d'Ernie Old qui, en 1945 et a l’âge de 71 ans, décida de faire l’aller-retour de Melbourne jusqu’à chacune des capitales australiennes. En 5 ans il réalise ainsi près de 25.000 kilomètres à vélo, et continuera à faire des voyages à vélo longue distance jusqu’à l’âge de 86 ans. Et il y a encore des gens pour me dire que pour partir à l’aventure il faut être jeune…

Ernie Old’s Malvern Star

On quitte donc le musée un peu frustrés, surtout que le temps presse, nous ne pouvons pas nous permettre de rester une journée de plus à Canberra : nous sommes le 24 août et dans quelques jours nous devons être à Melbourne pour tenter de vendre le van. On se remet derrière le volant pour se diriger vers le départ de la randonnée de demain. On s’engage dans Namadgi National Park, sur Corin Road et nous trouvons refuge pour la nuit sur le micro-parking de la balade menant à Square Rock.

Le lendemain matin on ouvre les yeux à 7h avec la sonnerie du réveil. J’ai mal à la nuque, je n’ai pas très bien dormi à cause du froid. Je regarde le thermomètre, il indique -6°C. C’est confirmé nous sommes bien dans les alpes. Tout est givré dans le van : les parois, le plafond, les vitres, et même le pare-brise, pour la première fois. Heureusement le soleil réchauffe déjà l’atmosphère de ses rayons : la journée s’annonce belle. Après un copieux petit déjeuner nous terminons la route pour rejoindre le parking de Corin Dam, un barrage renfermant l’une des plus importantes réserves d’eau potable de Canberra. Comme c’est de l’eau de montagne, et qu’elle est donc relativement pure, elle n’est même pas traitée avant d’être envoyée vers les robinets des habitants de la ville. Il vaut donc mieux éviter de faire pipi dans le lac artificiel pour ne pas se retrouver avec les 300.000 habitants de Canberra sur le dos !

La randonnée que nous allons entreprendre aujourd’hui n’est pas un parcours de santé. Comme nous partons d’un point suffisamment bas pour ne pas courir le risque de voir la route enneigée et impraticable sans chaîne nous commençons à une altitude de 950 mètres pour atteindre le sommet de Mt Gingera, à 1857 mètres d’altitude. Le sentier implique donc de marcher sur 20 kilomètres et de grimper un peu plus de 1.100 mètres. Le pire ? Les 500 premiers mètres d’ascension se font en seulement deux kilomètres. Inutile de dire que c’est une véritable épreuve qui nous attend, même par temps sec, et sans compter sur ce que nous sommes venus chercher : la neige.

Nous partons donc du parking pour monter en lacets puis en lignes droites à travers la forêt d’eucalyptus, et effectivement ça grimpe très fort, mais on tient le choc, on y va tranquille, ça reste assez facile grâce au sentier très bien aménagé. Il nous faudra quand même un peu plus d’une heure pour terminer ces deux premiers kilomètres. À partir de là l’ascension est plus aisée et graduelle. En changeant légèrement de versant et d’altitude nous apercevons les premières taches de neige qui persistent dans la forêt. À ce point-là on se dit que c’est tout ce qu’on va voir comme neige et on est déjà heureux d’avoir vu ça.

Mais plus loin ça se corse un peu : la neige recouvre le chemin, mais reste peu épaisse. En marchant dessus on fait apparaître l’herbe qui se cache en dessous.

Puis on croise deux randonneurs équipés de bottes et combinaisons de neige qui nous racontent qu’ils ont passé la nuit à Pryors Hut, un refuge qui se situe un peu plus haut sur le chemin, et que nous allons vite devoir faire demi-tour vu la neige qu’il y a plus haut. On n’a pas encore les pieds trop mouillés on se dit qu’ils doivent exagérer, comme les Australiens ont l’habitude d’être un peu trop protecteurs. Nous arrivons à une petite colline qui nous permet d’avoir de belles vues sur les environs, et de faire une pause méritée dans notre ascension. Anne décide de faire un bonhomme de neige, mais modèle nain de jardin parce que sans gants la neige ça fait froid sur les mains quand même.

Nous rejoignons ensuite la route de Mt Franklin, qui est un simple chemin forestier. Hélas là à pied c’est beaucoup moins drôle : le chemin est défoncé par les voitures et forme de très larges flaques d’eau et de boue, il faut souvent dévier du chemin pour les éviter, au prix de s’enfoncer jusqu’aux genoux dans la neige. À ce moment-là nous avons les pieds déjà bien trempés. Nous atteignons Pryors Hut, refuge historique qui sert encore de refuge en cas d’urgence ou pour les randonneurs du coin qui n’ont pas peur de passer une nuit dans la montagne dans un vieux refuge de bois qui n’a qu’une maigre cheminée à bois pour se chauffer et aucun meuble hormis un matelas défoncé et une table parsemée de cire de bougie. Ça a un charme certain visuellement, mais de là à y dormir, je ne suis pas sûr de tenir avec le froid.

Il nous reste encore un peu de marche après Pryors Hut pour rejoindre l’intersection du sentier vers le sommet de Mt Gingera. Celle-ci n’est indiquée que par un caillou peint en bleu et posé sur un poteau. Il faut le savoir. Heureusement les randonneurs croisés plus tôt nous ont expliqué le chemin, en pensant sûrement que nous n’irions pas jusque-là… mais c’est mal nous connaître !

Nous embarquons donc dans ce sentier qui n’est plus marqué que par les traces de pas dans la neige des précédents randonneurs. Rapidement nous nous retrouvons jusqu’aux genoux dans une neige fondante et humide, en ayant perdu de vue toute trace du sentier. Nous suivons tout de même les traces de pas dans la neige, on se dit qu’elles finiront bien par nous mener quelque part. Plus loin nous rejoignons un randonneur en raquettes qui entame l’ascension du sommet selon une technique toute personnelle : tout droit, on s’en fout d’où est le chemin. L’idée nous plaît, et en plus suivre ses traces nous permet de ne pas nous enfoncer dans la neige jusqu’au bassin. On finit par arriver au sommet. Trempés, crevés d’avoir marché dans la neige ainsi sans aucun équipement, en chaussures de marche premier prix, trouées et usées, et même pire : en jeans. On est les randonneurs du dimanche quoi, et les Australiens qu’on croise au sommet, équipés de skis, de raquettes et de combinaisons pour le grand froid, nous regardent en rigolant. C’est sûr que nous en Australie on n’avait pas pensé à prendre l’équipement pour une expédition alpine !

Mais la récompense est à la mesure de l’effort : du sommet nous voyons les alpes enneigées, les vallées tout autour et même Canberra au loin. Quelle vue !

Malgré le soleil, le vent se fait frais au sommet et nous ne pouvons rester longtemps. On avale rapidement une barre de céréales pour avoir assez d’énergie pour la descente et c’est parti pour tenter de descendre en suivant le sentier cette fois. On y arrive presque malgré la fatigue qui se lit sur nos visages, mais on n’a qu’une hâte c’est de s’asseoir sur du sec, enlever un peu nos chaussures trempées et se reposer un peu.

C’est après quelques virages sur la route de Mt Franklin qu’on trouve un bel endroit d’herbe sèche ensoleillée qui nous semble idéal pour faire une bonne pause après toutes ces émotions. Nous avons les pieds trempés et frigorifiés, on enlève nos chaussures et on essore nos chaussettes, on essaye de les faire un peu sécher au soleil. Mais il doit faire à tout caser 7 ou 8°C et ça ne marche pas beaucoup. On en profite quand même pour manger notre salade de riz, thon et maïs. De quoi reprendre quelques forces, et notamment nous donner le courage de renfiler nos chaussettes froides et mouillées.

Une fois passé le choc des chaussettes et chaussures glacées et humides nous redescendons par le même chemin : Pryors Hut puis Stockyard Spur, nous croisons une famille qui joue dans la neige, puis un bonhomme de neige et finalement la neige se fait de plus en plus fondue, de plus en plus mince, de plus en plus éparse, et ça y est nous retrouvons les sous-bois d’Eucalyptus à l’herbe sèche. Comme nous l’a dit un randonneur croisé au sommet ici la neige est rare et ne reste pas longtemps, lui observe le sommet depuis chez lui à Canberra avec des jumelles pour voir s’il peut venir profiter d’une rare occasion d’utiliser ses raquettes. C’est parce que nous sommes en bordure et non au cœur des Alpes que les sommets ici sont moins enneigés.

Une fois en bas nous pouvons enfin changer de chaussettes et chaussures et souffler un peu. Il ne fait pas encore sombre mais le barrage est déjà dans l’ombre des montagnes et la température redescend. Nous avons marché aujourd’hui pendant 8 heures sans compter les pauses, nous sommes épuisés, sûrement plus par le fait de devoir marcher dans la neige que de marcher tout court.

Nous reprenons le volant pour rouler 125 kilomètres et revenir dans le New South Wales à un camping gratuit avec douche chaude, en pleine ville. Une bonne douche chaude, c’est bien ce qu’il nous fallait après tous ces efforts ! Merci à la ville de Gunning, ces Australiens sont vraiment accueillants et généreux…

On s’endort dans la fraîcheur nocturne, crevés et courbaturés, mais quelle balade. Si ce n’était pas le sentier le plus intéressant, avec ses chemins forestiers, c’est probablement l’expérience de randonnée sur neige la plus accessible pour nous et une première expérience dans les alpes australiennes dont on se souviendra longtemps. La prochaine fois on reviendra mieux équipés quand même, histoire de ne pas marcher 6 heures sur 8 avec les pieds mouillés…