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Oz. Un an en australie (et plus si affinités)

J+266 — Une amende à Ceduna

Publié le

Par Anne

Depuis le temps qu’on arpente les routes de l’Australie et avec le fait que Sylvain ait passé son permis de conduire ici, on connaît plutôt bien le code de la route. On est des conducteurs plutôt prudent : on respecte les limitations de vitesse (il faut dire que notre van ne dépasse pas le 80 km/h, histoire de préserver sa condition mécanique et notre porte-feuille), on ne roule jamais quand on a bu de l’alcool et signe de notre conduite tranquille : on n’a pas encore tapé de kangourou ! Pourtant vu la quantité de cadavres de marsupiaux qu’on a croisés jusque-là, ça doit arriver à bon nombre de personnes. Et je ne parle pas des cadavres de vaches : les road trains ont l’air de faire des carnages.

Les Australiens conduisent souvent mieux que les Français, ai-je l’impression. Ils conduisent assez vite, doublent dans les virages sans visibilité mais ils sont moins pressés et hargneux. Il faut dire qu’on conduit essentiellement en-dehors des villes, loin des gens en retard au travail. Mais d’une façon générale, les Australiens sont moins stressés et plus agréables que les Français. Ils sont accueillants, souriants et plus ouverts. Bien sûr, ceci est une généralité mais depuis qu’on est rentré en France, j’ai vraiment l’impression d’être entourée d’ours mal léchés.

Pour en revenir à la conduite, après environ 20.000 kilomètres parcourus, nous n’avons pas eu le moindre accident. Et fort heureusement, notre engin maléfique n’ayant pas eu besoin de notre aide pour nous coûter un rein en réparations. Je me suis habituée assez vite à la conduite à gauche et il faut dire que nous roulons principalement sur des autoroutes relativement droites, avec beaucoup de visibilité et peu de circulation, on réduit donc les risques d’accident.

Sur cette route du Nullarbor, nous croisons principalement des touristes et quelques road trains mais moins que sur la Stuart Highway, il me semble. Ou alors, je me suis habituée. Le flux de véhicules est plutôt faible en plein milieu de l’hiver mais les accotements jalonnés de déchets nous rappellent que cette route, dont la dernière section a été goudronnée uniquement en 1976, est très empruntée toute l’année.

Nous avons pris l’habitude des camping-caristes de saluer tous les voyageurs des véhicules que nous croisons, c’est toujours agréable et ça nous divertit un peu. Rares sont ceux qui ne nous répondent pas, les Australiens étant naturellement accueillants. C’est pourquoi quand nous croisons cette berline grise dont le conducteur ne répond pas à notre signe, on se dit qu’on a dû tomber sur un rabat-joie un peu aigri. Et notre pensée est confirmée quand celui-ci fait demi-tour, met en marche ses gyrophares et nous demande de nous garer. Je m’exécute sans trop d’appréhension compte tenu du fait que je ne vois pas ce qu’on aurait pu faire de contraire à la loi. Il nous demande nos permis, les papiers du véhicule et nous fait remarquer que Sylvain portait sa ceinture de sécurité sur l’angle de l’épaule plutôt que dans son creux, sinon elle lui coupe le cou puisqu’il n’est pas possible de la régler en hauteur.

Il part avec nos papiers jusqu’à sa voiture et commence à gribouiller sur une feuille. On trouve qu’il met bien beaucoup de temps pour faire les vérifications d’usage. Sylvain se demande s’il ne serait pas en train de nous mettre une amende et je lui réponds que je ne vois pas pour quel motif, la ceinture était bouclée, n’était pas passée sous le bras et n’était pas vrillée. Je ne connais pas spécialement les règles australiennes en la matière mais en France, ça ne donne pas lieu à une contravention. Je suis donc bien surprise quand il revient et nous tend deux papiers : un rappel à la loi pour moi et un PV pour Sylvain. Ma surprise se transforme en ébahissement quand il me donne la somme à payer : 384 dollars ! Je lui demande de me montrer l’article de loi justifiant cette débilité. Il me fait lire un texte disant que l’on peut avoir une amende pour « port incorrect » de la ceinture de sécurité. Quand je lui demande de me montrer un texte explicitant le sens d’un port « incorrect » (ou correct) de la ceinture, il part dans des explications mais est incapable de me citer le moindre article de loi pour la bonne raison qu’il n’en existe aucun. L’appréciation du mauvais port de la ceinture est donc totalement laissée au bon vouloir de l’officier de police.

La discussion a une légère tendance à m’énerver et je rage encore plus de ne pas trouver les mots pour exprimer tout le bien que je pense de cette espèce de couillon qui profite de son embryon de pouvoir pour égayer un peu ses journées. On reprend la route passablement en colère et on décide de s’arrêter à la station de police de Ceduna, d’où vient le policier. Bien sûr, ils nous montrent le même article de loi et nous disent que si on veut contester, il faut envoyer un courrier au service réclamation. On part se coucher sur une aire de repos à une vingtaine de kilomètres de Ceduna mais on a du mal à trouver le sommeil, la colère nous garde les yeux ouverts assez longtemps ! On épluche les textes sur internet, aucun n’est clair à ce sujet : la plupart concernent les dispositifs pour les enfants et sièges bébé mais peu évoquent le cas « classique » des adultes.

Le lendemain, on décide de contacter un avocat de la Cour de justice pour un entretien gratuit grâce à l’assistance judiciaire. Sa première réaction est originale et sans équivoque : « pourquoi vous posez-vous la question, rentrez chez vous sans payer ! ». On lui explique qu’on aimerait bien revenir un jour et que le non-paiement pourrait être une cause de refus de visa, ou même d’interdiction de territoire, ce qu’il nous confirme.

Il est très aimable et nous explique qu’effectivement, l’amende est plus que contestable. Il ajoute que si nous étions du coin, il nous serait facile d’aller en justice et de gagner le procès. Mais puisque ce dernier ne se tiendrait pas avant plusieurs mois et qu’à ce moment-là nous serions de retour en France, il nous faudrait repayer un billet d’avion aller/retour, ce qui nous coûterait plus cher que de régler l’amende. Bref, on se sent légèrement coincé et ça nous fait enrager encore plus. Rage qui se gonfle encore un peu quand l’avocat nous dit qu’on peut essayer de contester par simple courrier mais que depuis qu’il pratique (soit environ vingt ans), il n’a jamais vu aucune contestation aboutir en faveur de la personne jugée en infraction. L’état du South Australia est pauvre et renfloue ses caisses grâce aux touristes qui, il le sait fort bien, ne voudront jamais revenir dans ce trou paumé juste pour contester une amende.

On repart fort dépité et on va faire un petit tour dans la ville qui est loin d’être déplaisante. Le Stirling Range ayant eu raison de deux de mes pantalons, j’en profite pour en retrouver deux autres pour la modique somme de $6 ! Vive les op-shop (ou opportunity shop), ces magasins d’occasion qui fleurissent un peu partout. Ils sont gérés par des bénévoles, les produits d’occasion qui y sont vendus proviennent de dons et leurs bénéfices sont reversés à des causes humanitaires, souvent gérées par des ONG religieuses. Il existe des chaînes nationales comme Vinnies (tenue par Saint Vincent de Paul) et Salvos (gérée par l’Armée du Salut) mais aussi des petits magasins locaux. On y trouve de tout et à tous les prix, certains sont plus que bon marché et d’autres vendent les produits encore plus chers que neufs. C’est en tout cas très pratique et les boutiques sont parfois encore plus jolies et mieux tenues que des magasins à but commercial. Il faut dire qu’il s’agit ici d’un véritable marché économique qui rapporte des sommes considérables aux associations.

Ces petites économies réalisées grâce aux op-shop nous aideront à payer cette fichue amende à la somme astronomique (ou pas) car bien évidemment, notre lettre de contestation a abouti à un refus malgré les magnifiques photos que nous avions prises pour justifier nos dires !