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Oz. Un an en australie (et plus si affinités)

J+259 à J+264 — La traversée du Nullarbor

Publié le

Une fois que nous avons quitté les Stirling Range il ne nous reste plus grand-chose à voir ou à faire avant de quitter le Western Australia et traverser la plaine du Nullarbor pour rejoindre le South Australia. Oh ce n’est pas qu’il n’y ait rien à faire dans le coin, il y a encore quelques parcs nationaux et autres choses à voir, mais nous nous rapprochons maintenant de fin juillet, et six à sept jours de route nous attendent pour rejoindre Adelaide, à plus de 2.000 kilomètres de là. Nous aimerions profiter du mois d’août pour visiter le New South Wales, et atteindre Sydney, 1.500 kilomètres après Adelaide, et nous devons rejoindre Melbourne pour fin août, soit encore 1.200 kilomètres. Sans compter les détours. Ceci dit on commence à avoir l’habitude, avec entre 3.000 et 6.000 kilomètres parcourus par mois. Ça peut paraître beaucoup, mais il n’est pas rare en France qu’une personne habitant à la campagne et travaillant en ville parcoure entre 2.000 et 3.000 kilomètres par mois avec sa voiture…

Après avoir quitté le parc national de Stirling Range on se dirige vers un autre parc national, celui de Fitzgerald River. Celui-ci est accessible depuis plusieurs routes, et nous choisissons de le traverser par Hamersley Drive, une dirt road de 30 à 40 kilomètres qui doit nous mener de l’autoroute jusqu’au bord de l’océan. On était bien partis, la route était en bon état, nous nous étions fraîchement douchés à la station-service de Jerramungup (fait rare qui se doit d’être mentionné), mais notre enthousiasme s’arrêta net face à une barrière qui coupait la route quelques kilomètres plus loin, nous obligeant à retourner sur l’autoroute. Visiblement les récentes pluies avaient eu raison de la route et elle a été fermée.

Bon pas grave, sauf que cela nous amenait à faire un aller-retour par Hopetoun, rendant le parcours moins sympa et plus long. À ce moment-là vient la question : est-ce que ça vaut le coup (et le coût en essence) d’y aller ? Parfois on a la flemme de faire un gros détour pour une seule attraction, ou alors les centaines de kilomètres de route en tôle ondulée nous effraient, ou, enfin, on n’a pas assez de sous pour faire un détour de 300 ou 400 kilomètres pour une seule attraction isolée. Ici on a décidé d’y aller, car c’est probablement le dernier parc que nous allons visiter dans l’État.

Nous continuons donc la route et profitons du contretemps pour faire une lessive au camping de Ravensthorpe avant de rejoindre une aire de camping pour la nuit sur la route de Hopetoun, au cœur d’un ancien village dont il ne reste plus que quelques ruines et une cabane de vacances au milieu de la plaine semi-désertique.

Le lendemain, après une visite des ruines de Kundip, qui a compté jusqu’à 200 habitants au début du XXè siècle, on atteint Fitzgerald River et la balade qui grimpe au sommet de East Mt Barren. Cette jolie mais courte balade nous emmène crapahuter dans le quartz blanc, au milieu d’un éperon rocheux offrant de superbes vues sur le parc et surtout le contraste entre le lagon gris et l’océan d’un bleu superbe qui se fond dans le ciel ensoleillé.

Nous visitons les quelques plages à côté, mais le vent froid nous ôte toute idée de baignade, et nous rejoignons Hopetoun pour une séance de vaisselle et de contact avec la famille par Skype et téléphone. Nous retournons à Kundip pour la nuit, le coin nous plaît et est relativement tranquille : nous n’avons croisé aucun touriste de la journée. C’est un des avantages de voyager en dehors de la saison touristique…

Le lendemain nous rejoignons Esperance, dernière ville importante avant d’entamer la traversée de 1.200 kilomètres entre Norseman et Ceduna, sur laquelle n’existent que des stations-services et petits hameaux. C’est l’occasion de faire quelques réserves de nourriture pour les prochains jours et de compenser les efforts de la randonnée d’hier par un bon burger à 2$ au Red Rooster et une bonne glace à 30 cents au Mac Donalds. Qui a dit que l’Australie était un pays cher ?

Après une nuit sur une aire de route et un réveil provoqué par les rayons du soleil (mais où était-il donc ces dernières semaines ?), je me plonge dans la lecture de Bag of bone le Stephen King que je lis en ce moment, un énorme pavé trouvé sur l’étalage des livres à échanger d’une bibliothèque. Ici il est assez courant de rencontrer cela, dans les laveries, dans les bibliothèques ou même les librairies il y a souvent un présentoir où vous pouvez laisser le livre que vous avez terminé de lire et en prendre un nouveau. Le choix est restreint, mais le plaisir de trouver un livre qui a déjà vécu de nombreuses années est indescriptible, un vrai plaisir à mon sens. Sur la route de Norseman nous faisons un détour par une route boueuse pour atteindre Dundas Rocks, un endroit décrit dans la brochure touristique de Norseman comme un joli coin avec de gros rochers ronds. Oui effectivement après avoir enfoncé les pieds dans la boue rouge on trouve de gros rochers au milieu du bush, mais ceux-ci sont dans un état… Tagués et vandalisés, accompagnés de nombreux déchets et traces de quads et motos, on peut dire que les gens du coin les apprécient à leur manière… Qui n’est pas vraiment la manière qu’on apprécie nous. Dommage.

À Norseman le soleil fait place à une pluie soutenue pendant que nous profitons d’une douche bien chaude et gratuite à la station essence. C’est le moment d’envoyer un petit message avant de quitter le monde civilisé, les supermarchés, les Mac Donalds, et même les garages pour 3 à 4 jours de route en comptant dans les 400 kilomètres et 5 heures de route par jour. Autant dire que c’est bien la route où il ne faut pas tomber en panne.

Nous poursuivons la route et les jours se ressemblent, tout comme les prix prohibitifs des stations essence et les road trains que nous croisons. Certains transportent des chargements tellement larges que nous devons nous ranger en bord de route. Étrange que de voir débouler une voiture avec des girophares sur notre voie, mais roulant dans l’autre sens, mais on comprend vite qu’il vaut mieux se garer… Nous traversons sur ses 146 kilomètres la célèbre plus longue section de route complètement droite d’Australie. Enfin c’est pas comme si le reste du temps la route faisait de nombreux virages sinueux non plus…

Contrairement à ce qu’on pourrait croire, et même si la région est désertique, les plaines sont vertes et touffues, contrastant avec le sol orange ocre. Ces paysages sont parmi mes préférés d’Australie. Arides et désolés, sans aucune habitation, aucune présence humaine sur des centaines de kilomètres à la ronde, des plaines gigantesques qui s’étendent à perte de vue, du sable rouge, des arbres secs… Je ne m’en lasse pas, et je ne rêve que d’une chose : pouvoir traverser ce territoire librement, à pied ou en vélo peut-être. Bon une autre fois.

Pour me consoler on va se promener après Mundrabilla sur l’escarpement qui forme la frontière nord du Nullarbor. En haut de l’escarpement le plateau s’étend à perte de vue, et en bas c’est les plaines de Roe qui vont jusqu’à l’océan, invisible d’ici. On découvre dans le bush des vestiges d’une époque où l’endroit était promis à des jours heureux d’élevage, de fermes et de troupeaux. Un grand abreuvoir en pierre est assis au bord d’un puit abandonné, probablement creusé à la recherche d’eau, ou d’or, ou même les deux.

À Eucla, frontière avec le South Australia et le plus gros village sur la Eyre Highway avec 86 habitants, nous faisons un détour pour aller voir l’ancienne station télégraphique désormais ensevelie sous les dunes.

Le Nullarbor nous enveloppe désormais complètement alors que nous entrons dans le parc national du Nullarbor. Comme son nom l’indique cette plaine ne montre plus l’ombre d’un seul arbre, seuls des arbustes bas jalonnent le sol. Et c’est au milieu de ces centaines de kilomètres de paysage surréaliste qu’apparaissent en bord de route des troupeaux de chameaux. Ce pays ne cesse de nous étonner. Oh nous en avions déjà vu, en captivité, dans le centre rouge. Mais ici, alors qu’il n’y a pas d’eau à des centaines de kilomètres à la ronde, pas d’arbre, pas d’ombre, comment survivent-ils donc ?

À Eucla l’escarpement a rejoint le bord de l’océan et mis fin aux immenses plages de sable blanc : le Nullarbor est maintenant bordé par les immenses falaises de Bight qui s’étendent si loin que c’en est déprimant. Si certains coins en Europe ont de grandes et belles falaises, en Australie ils en ont des centaines de kilomètres, et je ne parle même pas des plages.

Nous terminons notre troisième jour de route dans le Nullarbor sur une petite aire de repos, nommée simplement « l’aire de repos du poteau des 222 kilomètres », au milieu des eucalyptus qui ont commencé à réapparaître. Demain il ne nous restera plus que 240 kilomètres pour rejoindre Ceduna, et retrouver la civilisation. Il ne nous reste plus qu’à apprécier cette dernière nuit au milieu de cette plaine isolée et désolée. Un endroit fascinant et passionnant qui nous permettra de repenser à ces deux mois passés dans le Western Australia, à tous ces lieux magnifiques que nous avons vus, à toute cette route que nous avons parcouru, mais surtout à toute celle qu’il nous reste à parcourir…