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Oz. Un an en australie (et plus si affinités)

J+256 à J+258 — Stirling Range

Publié le

Si l’on en croit les récits de voyage des Français qui racontent l’Australie depuis ses villes, ses auberges et ses boîtes de nuit, l’Australie serait un pays complètement plat. J’ai même récemment lu un blog dont l’auteur affirmait que faire du ski en Australie était impossible, dû à l’absence de montagnes. C’est là qu’on se demande si ces « voyageurs » ont regardé une carte du pays un jour, ou même lu leur Lonely Planet qu’ils trimballent pourtant partout comme une bible.

La réalité c’est que l’Australie est un continent usé certes, mais qui reste montagneux. Ces montagnes ne sont pas très hautes en comparaison aux alpes françaises, avec le plus haut sommet à 2.228 mètres, mais sont nombreuses et s’étendent sur une surface impressionnante. La cordillère australienne (Great Dividing Range) est ainsi la quatrième plus grande chaîne de montagne au monde, juste devant l’Himalaya, s’étendant sur quelque 3.500 kilomètres pour se terminer dans les Grampians, dans le Victoria. Oh et il y a de la neige et des stations de ski qui fonctionnent en hiver.

Mais même en dehors de la cordillère il existe d’autres massifs montagneux. Il y a bien évidemment la Tasmanie, mais aussi de nombreuses chaînes de montagnes de plusieurs centaines de kilomètres dans tous les états, cumulant de nombreux sommets à 1000 mètres ou même plus. Mais c’est vrai qu’en comparaison avec les milliers de kilomètres-carrés de paysages désertiques et plats, les montagnes nous semblent terriblement rares. C’est pour cela qu’en arrivant à Stirling Range, on était heureux de trouver enfin quelques sommets à même de rassasier notre soif de grimpette. Car les collines du sud-ouest sont bien sympathiques, mais relativement basses et rondes, même si on ne cessait de grimper et descendre on restait sur notre faim. Porongurup et ses petits sommets nous ont servi d’entrée, mais voilà que nous passons au plat de résistance.

La chaîne de Stirling s’étend sur 60 kilomètres et propose de nombreux sommets à plus de 800 mètres, et deux à plus de 1.000 mètres. Le tout dans un paysage mi-désertique, à une trentaine de kilomètres de l’océan. On sait que c’est notre dernier « grand » parc national avec de belles randonnées avant de quitter le Western Australa, et on compte bien en profiter : on a prévu de rester au moins trois jours dans le parc.

On débute donc avec Toolbrunup, le second sommet le plus haut, à 1.052 mètres d’altitude. Depuis le parking il n’y a que deux kilomètres pour atteindre le sommet, ce qui pourrait donc sembler facile. Sauf qu’il y a 630 mètres d’ascension à faire sur ces deux kilomètres. Nous mettrons ainsi plus d’une heure et demie pour grimper. Après une montée légère dans la forêt où nous affrontons de la boue glissante nous rencontrons de grands pierriers composés de gros rochers qu’il faut escalader pour progresser. Et ceux-ci sont tout autant glissants que la boue précédente. Ça monte beaucoup, on souffle comme des bœufs, mais l’ascension est superbe. Ça nous rappelle la Tasmanie : notre ascension de Mt Roland pour la pente très forte (et épuisante) dans la forêt et celle de Quamby Bluff pour les grands pierriers à franchir. On profite de l’absence de pluie et de la transpiration de l’effort pour quitter le k-way, même si on garde jalousement notre pull pour contrer un peu le vent glacial qui souffle.

Après les pierriers nous passons à la verticalité : il faut maintenant escalader dans le lit d’un ruisseau jusqu’à un col. On y souffle un peu, une famille australienne qui nous précédait s’y arrête pour se préparer un repas au réchaud de randonnée, et nous terminons d’escalader les rochers jusqu’au sommet. Là-haut nous apprécions une superbe vue sur les montagnes de la chaîne que nous allons « conquérir » les jours suivants, mais le vent glacial et fort nous pousse à redescendre malgré le soleil. La descente sera encore plus lente que la montée, avec plus de deux heures pour arriver au parking. C’est souvent comme ça avec les passages très raides ou demandant de faire un peu d’escalade, il faut être prudent pour ne pas glisser ou tomber. Ce que je réussis plutôt bien : mes fesses ne rentreront en contact avec le sol qu’une seule fois. Une fois en bas on est fiers d’avoir conquis ce sommet, mais on est quand même bien crevés.

Pour se remettre on se dirige vers le camping du parc national, Moingup Springs, à côté de la maison du ranger, pour un bon repas. Mais on n’en a pas eu assez pour aujourd’hui et on se dirige maintenant vers Mt Hassel, situé à côté de Toolbrunup. Cette fois-ci l’ascension n’est « que » de 400 mètres et le kilomètre et demi du parking au sommet ne nous prend que 50 minutes. Mais comme rien n’est assez simple pour nous on préférera suivre un chemin tracé par les rock wallabies plutôt que le sentier fléché (en d’autres termes on s’est perdus), nous emmenant crapahuter dans les rochers et ramper sous les arbustes pour atteindre le sommet. On peut admirer de là notre précédente conquête de la journée, Toolbrunup, qui semble vraiment gigantesque par rapport à nous, nous prouvant que 200 mètres d’altitude ce n’est pas rien. Plus loin dans la plaine les rayons du soleil filtrent à travers les nuages gris… un paysage qui nous laisse rêveurs, malgré le fait que nous soyons nous à l’ombre des nuages et dans le froid.

Une fois redescendus nous quittons le parking pour en rejoindre un autre en bord de route, beaucoup moins joli, mais sans panneau indiquant une interdiction de camper. Dans la nuit une bande de jeunes bourrés s’arrêtera sur le parking avant de taper sur les parois du van pour nous réveiller. L’expérience est des plus désagréables mais ne nous empêchera quand même pas de nous rendormir plus tard.

Le lendemain nous attend le plus haut sommet du parc national, mais aussi le plus populaire : Bluff Knoll, à 1.095 mètres d’altitude. Le fait qu’il soit aussi bien plus accessible que Toolbrunup doit jouer sur sa popularité, en effet le sentier est bien aménagé avec ses marches et escaliers. Alors que nous n’avons vu qu’une famille australienne hier, ici c’est le défilé, nous ne cessons de croiser des touristes en groupes ou en famille. Cela va de ceux qui sont équipés de la tête aux pieds comme de vrais alpinistes, avec de grosses chaussures de rando et d’énormes sacs à dos (pour une rando à la journée c’est un peu con de se trimballer 15 kilos sur le dos), à ceux qui ne se sont armés que d’une paire de tongues ou de hauts-talons et qui soufflent comme s’ils allaient passer l’arme à gauche. Une fois le col atteint la pente se fait moins raide et nous rejoignons une végétation basse qui ne cesse de nous émerveiller par ses aspects si étranges pour nous.


Au col un panneau indique de faire attention aux conditions météos de la montagne qui peuvent changer très rapidement, et que le brouillard épais est très fréquent par ici. Il faut donc bien suivre le chemin pour éviter de se perdre sur le plateau et passer une nuit « froide et misérable ». On voit difficilement comment on peut se perdre avec un sentier aussi bien tracé, sans compter les poteaux de couleur. Il suffit d’être prudent. Au sommet on se rhabille rapidement, alors que les nuages nous chatouillent les cheveux, et on admire le van, sur le parking, en bas, tout petit, pendant qu’un grand aigle plane dans les courants d’airs ascendants au-dessus des falaises.

La descente se fait tranquillement, mais mes cuisses et genoux accusent le coup des nombreuses marches du chemin. On est un peu déçus de la facilité de la balade, même si on est contents de ne pas retrouver la boue de Toolbrunup. Une fois en bas on reprend le van pour aller à une day use area et faire des crêpes sur les barbecues fournis. Une collation bienvenue avant d’entamer l’ascension vers le second sommet de la journée : Mt Trio, qui d’ailleurs comme son nom l’indique est composé de trois sommets en réalité, dont le plus haut culmine à 856 mètres.

On part sur le chemin alors qu’il est déjà 15h, que le soleil se couche à 17h, et que la rando est censée durer trois heures. Bon. On se dit que ça ne sera pas trop dur. Mais on déchante rapidement : encore une fois c’est bien raide et on ne coupe pas aux nombreuses marches qui mettent à l’épreuve nos cuisses déjà bien éprouvées ce matin. Ça en devient une habitude : une fois le col atteint le chemin vers le sommet est bien plus facile et tranquille. Nous atteignons donc le sommet nord, qui offre encore une fois de belles vues, ça en devient lassant tous ces sommets avec ces belles vues… en fait non on ne s’en lasse pas, même si la descente termine d’épuiser nos pauvres cuisses.

On va se garer sur un parking en bord de route vers l’intersection pour Mt Trio, en espérant que cet endroit plus discret nous évitera de nous faire réveiller cette fois.

Au matin c’est le soleil et un beau ciel bleu qui nous réveillent, malgré une température de 0°C. Notre sommet du jour c’est Mt Magog, situé plus profondément dans le parc, loin des routes touristiques et bitumées. Il nous faut rouler sur trente kilomètres de dirt road, où nous ferons une pause à mi-chemin pour une petite balade vers un point de vue situé au milieu de la chaîne de montagnes. Ensuite une route étroite à sens unique nous fait descendre au bord d’un cours d’eau à sec sur de gros rochers qui roulent sous les roues du van qui dérape un peu. De là un mini-parking de 2 places et une table de pique-nique indiquent le début de la randonnée. Aujourd’hui au moins on ne risque pas de croiser de touristes : on ne croise personne de la journée. Mt Magog se situe à une altitude de 856 mètres et nous demandera 3,5 kilomètres et 600 mètres de grimpe pour l’atteindre. Le sentier est classé comme étant du même niveau de difficulté que Toolbrunup, on s’attend donc à en baver encore.

Mais au lieu de ça nous découvrons pendant le premier kilomètre un sentier facile dans la plaine, au milieu de superbes fleurs sauvages. Je reste d’ailleurs ébahi devant une fleur sauvage (dont je n’ai hélas pas réussi à déterminer le nom) qui fleurit à l’intérieur d’une feuille en forme de demi-sphère, celle-ci servant sans aucun doute à recueillir l’eau lors des rares pluies. La flore est ici des plus ingénieuses.

Après avoir atteint un petit bois, le sentier se met à grimper abruptement jusqu’au sommet. Il va falloir escalader les rochers jusqu’à un col qui ici ne marquera pas une amélioration du sentier mais le contraire : le sentier devient un vrai chemin d’escalade dans les rochers. Nous suivons les piquets blancs, avec quelques passages d’escalade un peu difficiles. Bizarrement ça me rappelle les sentiers de Côte-d’Or, et ses nombreuses combes et petites montagnes qu’il faut escalader, notamment sur le célèbre sentier Félix Batier. On finit par atteindre le sommet, dont on profite largement avec le soleil, même s’il ne fait toujours pas très chaud face au vent glacial qui y souffle. Mais le ciel est sublime, les paysages magnifiques, et c’est notre dernier jour à Stirling Range, on se doit donc d’en profiter le plus possible.

Malgré le temps sec nous sommes prudents en redescendant, le sentier est quand même bien raide et on s’en rend mieux compte en descente qu’en montée. Nous traversons d’innombrables empreintes de wallabies, sentiers et tunnels laissés par les quokkas dans la végétation. Et nous ne manquons pas une occasion de rester pantois devant les superbes fleurs sauvages.

Avant de partir la routine des tâches quotidiennes nous rattrape. Manger. En terminant nos réserves de poisson pané, qui fut surgelé un jour désormais lointain, accompagné de spaghettis, de cheddar et d’une sauce carbonara peu avenante. Faire la vaisselle. Dans de l’eau glacée. Reprendre la route. S’arrêter en urgence parce qu’on a oublié le panneau solaire de la lampe Ikea sur le toit et qu’il s’est fait la malle en roulant. Il est solide, vu le nombre de fois où on l’a oublié et qu’il est tombé sur la route après déjà plusieurs kilomètres à rebondir sur le toit…

On rejoint Borden, un petit village aux airs de ville fantôme, où un parking en face du General Store nous accueille pour la nuit. Et c’est ainsi que nous quittons Stirling Range, avec quelques regrets de ne pas avoir fait les autres sommets, mais il faut aussi avancer, et rester dans la même zone géographique plus d’une journée nous semble d’un coup comme changer de vie, comme si la sédentarité était devenue pour nous un concept si étranger que rien que l’effleurer nous aurait effrayés.