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Oz. Un an en australie (et plus si affinités)

J+253 — Dans la tempête, les arbres s'effondrent avec fracas

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Après notre nuit sur le parking de John Rate Lookout juste avant la petite ville rurale de Walpole, un visiteur inattendu nous interrompt dans notre petit déjeuner. Le sentier du Bibbulmun, cette grande randonnée de 1000 kilomètres, passe juste à côté du parking, et un randonneur qui passe par là vient discuter avec nous. Arthur habite Perth et est à la fin d’une section de cinq jours du Bibbulmun. C’est son avant-dernière section, il finira le Bibbulmun au printemps prochain avec des amis. Il a commencé le Bibbulmun il y a cinq ans et dès qu’il a une opportunité il en fait une nouvelle section. On peut dire que c’est long pour une randonnée censée prendre 6 à 8 semaines, mais c’est un rythme sûrement très intéressant pour observer la région à des saisons différentes. On discute pas mal, il parle un peu français, probablement mieux que nous l’anglais, et il connaît même un peu Dijon, notre ville d’origine. Ce qui renforce notre idée que la plupart des australiens connaissent mieux la France que nous, un comble. Après lui avoir offert un verre de jus de fruit en échange d’une conversation des plus intéressantes on lui souhaite bonne chance et bon courage pour terminer les quelques kilomètres jusqu’à Walpole. Et du courage il en a, car hier il pleuvait de véritables torrents d’eau toute la journée.

Revigorés d’admiration pour ce randonneur matinal, on part à Mt Clare, alors que le temps se montre presque clément. On va faire la Deep River Loop Walk, où l’on croise justement le campsite du Bibbulmun, qui possède toilettes, emplacements pour des tentes et même un abri comme à Yanchep : un toit, deux murs, et une grande plate-forme abritée en partie du vent (et de la pluie) pour poser son matelas et son duvet pour la nuit. C’est spartiate mais agréable. Le logbook (journal des randonneurs qui passent par là et indiquent leur prochaine étape et les conditions du chemin) se révèle intéressant, et Arthur y a déjà laissé une page complète de commentaires. Mais pendant qu’on était affairés à lire sous l’abri, la pluie a repris et ne s’arrêtera plus de la balade.

Abri sur le Bibbulmun

Mt Clare se révèle être vraiment petit et la vue est limitée par la végétation et les arbres présents au sommet de ce dôme de granit. On se console avec de jolis petits champignons qui apparaissent au milieu d’une épaisse mousse verte.

Cela reste néanmoins sympa et joli, mais on se presse un peu à continuer le sentier, à descendre dans la forêt. Le sol est jonché des écorces des tingle trees et on est guidés par les flèches du Bibbulmun jusqu’à un pont suspendu au dessus d’une rivière. La pluie redouble d’intensité. On essaye de se réfugier sous le pont au bord de la berge mais ça ne nous abrite pas tant que ça… On continue donc la boucle sur une dirt road puis un chemin forestier. Ici encore les tingle trees sont nombreux, et beaucoup sont creux.

En effet ces géants qui peuvent faire jusqu’à 75 mètres de haut et 24 mètres de diamètre sont souvent brûlés par la foudre et les feux de forêt. Ainsi le tronc disparaît mais l’arbre continue à vivre via son écorce et l’arbre devient creux tout en continuant de grandir. C’est très rigolo et impressionnant. Et l’avantage c’est qu’on peut s’y réfugier pour s’abriter de la pluie. Bon on est déjà bien trempés mais quand même, on peut se reposer un peu en chemin, et s’amuser !

Une fois de retour au parking on peut enfin profiter d’être à l’abri pour se changer et être un peu secs avant de passer par Walpole acheter un peu de pain en prévision de notre repas. On se dirige ensuite vers Swarbrick, où une petite boucle dans la forêt permet de voir quelques œuvres d’art au milieu de la forêt. C’est un peu décevant, il n’y a pas grand chose à voir, mais bon l’initiative est insolite au moins.

Après une pause repas bien méritée on se dirige vers Mt Frankland et après quelques kilomètres de conduite prudente sur la dirt road sous la pluie on arrive au parking. On profite d’une accalmie et d’un regain de courage pour aller faire l’ascension du sommet. Le sentier est un peu chiant, il est goudronné et quand le goudron s’arrête c’est pour laisser la place à des marches en béton au sommet. Pas très agréable. Au pied du sommet est présent un refuge historique qui servait de domicile à la personne en charge de surveiller la météo depuis le sommet. Le fonctionnement était simple : il montait au sommet (d’une magnifique hauteur de 411 mètres, soit trois fois rien), où dans une toute petite cabane avec une vue à 360°C il observait les conditions météo, et trois fois par jour il redescendait dans le refuge au pied de la montagne pour téléphoner et rapporter ses observations. De nos jours le refuge n’est plus utilisé mais il y a une nouvelle station météo au sommet qui est occupée l’été pour surveiller les feux de forêt. Au sommet la vue n’est pas désagréable mais les barrières et grillages installés pour empêcher d’aller se jeter dans le vide et la station météo et ses grandes antennes radio ne sont pas du plus bel effet.

On repasse par Walpole et on y fait le plein d’essence avant de se diriger vers l’ouest et d’aller voir les Giant Tingle Trees sur Hilltop Rd. Il pleut fort et il fait déjà sombre dans la forêt : en hiver les journées sont courtes. Il y a beaucoup d’arbres creux pour s’amuser mais aucun n’est aussi impressionnant que l’attraction locale : le Giant Tingle Tree est un arbre creux d’une circonférence de 24 mètres. C’est énorme, on pourrait faire un banquet au milieu du tronc creux.


On quitte la pluie et la forêt sombre pour rejoindre l’autoroute et une aire de repos indiquée dans le Camps 6 (guide des campings d’Australie), sauf qu’un panneau y indique qu’il est interdit de camper là… à côté d’un autre panneau incitant à faire une sieste pour ne pas s’endormir au volant. Cherchez l’erreur. On décide donc de retourner au parking d’hier soir avant Walpole, à 20 kilomètres de là.

On se gare donc là, on dîne et on passe la soirée dans le van à écrire nos journaux de voyage. On entend bien qu’il y a un peu de vent fort et des rafales de pluie, mais bon on a l’habitude du mauvais temps. Mais on n’avait pas réalisé à quel point le temps était mauvais jusqu’à ce qu’un gros bruit sur le toit du van nous sorte de notre concentration. Un petit arbre, d’environ 2 à 3 mètres, venait de s’abattre sur le van avec grand fracas. En ouvrant la porte coulissante nous sommes donc tombés en plein milieu des feuilles et branchages. C’est là qu’on a commencé à se dire que ça soufflait peut-être un peu plus que d’habitude… Et qu’être garé sous les arbres géants, dont les premières branches sont situées à 50 mètres de haut et peuvent peser plusieurs tonnes, n’est pas forcément la meilleure idée à ce moment précis. Si le petit arbre n’a infligé aucun dommage à la voiture, on commence à imaginer les dégâts que pourrait faire une branche plus grosse… On reprend donc notre souffle, et après considération des options de camping possibles dans le coin on décide que le seul endroit qu’on connaisse dans le coin sans arbre était à l’intérieur de la petite ville de Walpole.

On quitte donc notre parking sous les arbres en plein milieu de la nuit, et les quelques kilomètres de route jusqu’à Walpole nous montrent que nous avons fait le bon choix : celle-ci est jonchée de feuilles, branches et petits arbres qui sont tombés ou ont été emportés jusque là par le vent. Après une séance de slalom pour éviter les débris nous nous retrouvons donc sur le parking du Community Centre de Walpole. On se dit qu’on ne devrait pas trop se faire emmerder par la police d’avoir dormi en pleine ville si on se lève suffisamment tôt. Et alors que j’étais en train de regarder les bulletins météo sur mon téléphone, d’un coup la ville devint noire : l’électricité venait visiblement d’avoir été coupée par un arbre. La police aurait probablement bien d’autres soucis demain matin que nous… Le bulletin météo nous révéla quand même que la région entière était en alerte tempête, une dépression d’air froid passant au dessus des terres et occasionnant des vents jusqu’à 125 km/h, qu’il faut faire attention et que des dommages peuvent survenir mais qu’il ne faut pas s’inquiéter : c’est le temps habituel du coin, une telle tempête se produit 5 à 6 fois par an ici. Ah. Bon alors on essaye de ne pas s’inquiéter trop. Mais on dormira quand même difficilement, secoués comme nous sommes par les bourrasques de vent et rafales de pluie qui font grincer les suspensions du van.

C’est alors que le vent s’était calmé et qu’on commençait à peine à dormir que le réveil a sonné. On quitte donc Walpole après un passage aux toilettes publiques et un petit déjeuner. Sur la route on voit que Hilltop Rd où nous étions hier soir est fermée à cause de chutes d’arbres. On se dit qu’on a bien fait de ne pas y rester pour la nuit…

Aujourd’hui on va à Valley of the Giants, où des plates-formes à 50 mètres de haut permettent de marcher parmi la cime des arbres, sur Tree Top Walk. La balade coûte quand même 12,50$, et on a déjà marché sur des plates-formes similaires et ça ne nous avait pas passionné, on fait donc à la place Empire Walk, qui est au sol et gratuite et permet de voir encore de grands tingle trees creux, mais il y a un peu trop de monde et ça semble trop aménagé pour nous. On a préféré le Giant Tingle Tree d’hier, plus sauvage et la balade était plus variée et instructive.

Nous continuons notre odyssée jusqu’à Conspicuous Beach, où nous retrouvons le tracé du Bibbulmun, qu’on emprunte un peu sur la plage et dans les dunes au milieu des marais où coassent les grenouilles. Le vent est terriblement fort et froid, mais nous sommes équipés et protégés de la tête aux pieds !

Le fait de savoir qu’on va ensuite retourner dans le van pour rouler avec le chauffage nous réconforte aussi. Il est d’ailleurs temps de manger et nous cherchons en vain une aire de pique-nique : on se perd à Peaceful Bay, on tourne en rond, et on ne trouve pas non plus une aire de pique-nique en bord de route indiquée sur la carte. Bon pas grave on continue jusqu’à William Bay National Park (sérieusement y’en a combien de parcs nationaux dans ce pays ? des centaines ? des milliers ?) pour enfin pouvoir manger un délicieux plat de spaghettis aux sardines. Oui nous on sait faire dans l’originalité.

Nous allons nous promener à Greens Pool, un endroit réputé pour sa plage à l’eau vert-turquoise et son snorkelling. Bon vu la pluie, le vent et le froid, on se dit que ça ne doit être valable que l’été. On visite également Elephant Rocks au passage, où l’on explore entre des rochers, quand la marée nous laisse passer.

C’est une journée-marathon, comme les touristes on ne fait quasiment que de la route en ne s’arrêtant que rapidement pour les attractions : on reprend donc le volant jusqu’à Denmark. On y fait un arrêt à l’office de tourisme, on constate que la ville est si petite qu’il n’y a pas de supermarché et donc on n’y fera pas de courses. On profite quand même de la pause et du réseau pour aller sur le net. On appelle Geoff à Melbourne qui nous apprend qu’il y fait un temps superbe. Grumpf.

On termine la route jusqu’à notre camping pour la nuit avant Albany, à Cosy Corner, où des quendas (southern brown bandicoots) courent et sautent autour de nous. Mais dès qu’il fait nuit noire ils disparaissent et nous faisons donc comme eux, nous partons nous cacher au fond de nos sacs de couchage recouverts d’une épaisse couette pour parer au froid qui arrive.