J+245 à J+247 — Margaret River : entre ensablage et broutage, une histoire de van
Publié le
Par Anne
On se lève sous une température de 12°C, la nuit a été plus chaude que les précédentes et c’est agréable de ne pas avoir à batailler pour sortir du sac de couchage. Inconvénient, forcément : il pleut ! On passe donc la journée à ne pas faire grand chose : quelques courses, une lessive et un tour sur internet à la bibliothèque municipale. En fin de journée, la météo redevient plus clémente et on se dirige vers Redgate Beach. Malgré le vent à décorner des bœufs, c’est très chouette. On pourrait passer des heures à regarder s’écraser les vagues sur les énormes rochers rouges et à imiter le bruit de leur fracas. Sans oublier le temps passé à prendre des centaines de photos du coucher de soleil.
C’est d’ailleurs la fin de la journée quand on se décide à partir. On ne sait pas trop où passer la nuit, le coin est réputé pour être anti « free camping » et les nombreux panneaux « no camping » nous le confirment. Le premier camping gratuit est à cinquante kilomètres et ceux de nos nuits précédentes sont assez loin également. Sylvain propose de rester là mais je préfère essayer de trouver un coin plus discret et sans panneaux interdisant d’y passer la nuit. Notre cohabitation dans le van se passe plutôt bien, on ne s’est pas encore tapé dessus et notre poubelle roulante palace ambulant de 2 m² compense la promiscuité intérieure avec les paysages grandioses où il nous mène (quand il veut bien). Toutefois et cela semble être une caractéristique du backpacker, que j’observe chaque soir dans les campings connus et dont je me moque tout le temps, quand bien même je fais exactement la même chose : on se prend régulièrement le chou pour savoir où aller camper et, une fois avoir trouvé, choisir un emplacement. Vous avez déjà vu un chat faire trois fois le tour de la pièce, tâter le terrain (de préférence avec ses griffes quand le terrain en question s’avère être votre ventre) tourner sur lui-même, se coucher, se relever, se décaler de trois centimètres et finalement se mettre exactement à la place où il était au départ ? Le backpacker — et j’en suis un parfait exemple sur ce point-là — est en tout point pareil : je peux chercher des heures l’équation parfaite dont le résultat est une place pas trop loin des toilettes mais pas trop près non plus, en gardant un périmètre suffisant avec les autres véhicules tout en laissant un espace assez petit pour ne pas qu’un autre van ait envie de venir se coller au nôtre, sans toutefois oublier que tout le monde a droit à une place. Bref, ça n’a pas l’air mais c’est tout un art !
On passe donc parfois quelque temps à se disputer pour savoir où garer le van et la question ce soir-là ne portait pas sur l’emplacement mais sur le lieu. Rester dans un coin « no camping » ou partir à la chasse au coin discret alors qu’il fait déjà nuit ? Comme toujours, j’obtiens gain de cause et on quitte la plage pour tenter de trouver un endroit moins « interdit ». Je m’engage dans un chemin entrant dans une forêt et les roues arrière n’ont même pas encore quitté la route principale que les roues avant décident de s’ensabler dans le ridiculement minuscule fossé entre la route et le chemin. Impossible de bouger le van qui reste paralysé à 10 cm de la route goudronnée. Après m’être traitée de tous les noms parmi lesquels on retrouve tous les synonymes de « stupide », on essaie de creuser des tranchées pour évacuer le sable, mettre des planches sous les roues, pousser tandis que l’un accélère… Sylvain a une idée consistant à pousser le van puis le laisser revenir pour le pousser à nouveau, en bref, le balancer d’avant en arrière. Je n’y crois pas trop, notre tas de rouille bolide fait pas loin de deux tonnes et nos muscles peuvent nous aider à porter des pots de Twist (le Nutella local, enfin importé de Hollande, à l’orange) mais pas plus.
Après une quarantaine minutes à jouer à la balançoire dans la nuit, un coincement de volant avec une écharpe pour maintenir le volant tourné, un râpage de genoux sur le bitume, un pelletage de sable à la grosse cuillère et autres réjouissances, nous sortons le van de cette microscopique ornière. Je me range finalement à l’avis de Sylvain (chose rare pour être mentionnée, pour une fois, il n’avait pas tort) et on retourne sur le parking de Redgate Beach pour passer la nuit, tant pis pour le « no camping » !
On se réveille dans un van ruisselant d’humidité, entre la pluie, l’océan et notre transpiration, l’eau a dû mal à s’évacuer bien qu’on ne puisse pas vraiment dire que le van soit un espace étanche à l’air ! Sur la route pour Augusta, on fait un petit détour pour faire Boranup Scenic Drive, une route unsealed de 14 km qui n’a pas grand intérêt, certes les karris, ces grands eucalyptus, sont très jolis mais ce ne sont pas les premiers que l’on voit. Et à part un camping et un point de vue sans vue, il n’y a rien à faire. On poursuit donc notre route jusqu’à Hamelin Bay, une jolie plage qui doit être surpeuplée en été. Aujourd’hui, on croise trois personnes pendant toute la matinée, c’est plutôt tranquille. Il faut dire que c’est encore très venteux et la température n’est pas bien élevée. On fait un petit tour sur la plage, on s’éreinte les yeux à essayer de voir des raies manta, on avait lu qu’elles venaient tout près de la plage. Mais elles ne doivent pas aimer la mer agitée et surtout le fait qu’il n’y ait pas de pêcheur pour boulotter les restes de leurs moissons journalières.
A défaut de raie manta, on croise des spécimens non-natifs du coin mais pourtant typiques : bouteilles, lotion solaire, tongs … Il n’y a peut-être pas de touristes en ce moment mais ils ont quand même laissé quelques souvenirs, espèces de « I was here » encore moins écolo que la gravure sur le tronc d’un arbre.
On va ensuite à la pointe sud du Western Australia, Augusta. Ville peu intéressante à moins d’être prêts à dépenser une somme considérable, comme tous les lieux touristiques. Pour $80, vous pouvez embarquer sur un bateau et voir des baleines à Flinders Bay et un peu plus loin, à Cape Leeuwin, vous avez le privilège de pouvoir vous balader au pied du phare pour $5 (oui oui, $5 pour vous balader dans l’herbe !). On espérait pouvoir apercevoir des baleines depuis le bord de mer mais bien évidemment, aucun à l’horizon. Il n’y aurait pas de tour organisé, sinon !
On entame une balade jusqu’à Skippy Rock de 6 km aller et retour qui est le début (ou la fin) du Cape to Cape Track. Mais c’est marée haute et les monticules d’algues gluantes et spongieuses ainsi que les rochers glissants bordés par la mer nous forcent à faire demi-tour. Pour se consoler il y a le moulin à eau qui entraînait une pompe à eau pour le phare, qui est passée du statut de roue en bois à sculpture naturelle en pierre. Avec le temps les dépôts minéraux présents dans l’eau ont transformé et figé la roue.
On admire encore une fois les énormes vagues, en se retenant d’imiter le bruit qu’elles font, les gens nous regardent bizarrement.
On quitte la jolie région de Margaret River en s’arrêtant prendre de l’essence à Augusta, il est temps de remonter un peu au nord pour ensuite bifurquer à l’est et rejoindre Denmark et Esperance. Mais le van semble être contre cette décision et quelque dix kilomètres après Auguste, il se met à tousser et avancer par à-coups. Quand on roule entre 60 et 80 km/h, il ne veut plus accélérer et toussote. Comme le prochain garagiste sur notre route est à plus de 100 km, on décide de repartir en direction de Margaret River, en pestant une nouvelle fois contre les caprices de ce satané tas de ferraille ! Que nous réserve-t-il donc encore ? Je mise sur le filtre à essence, réponse demain.
On se lève donc tôt le lendemain pour tenter de trouver un mécano à Margaret River, ils sont tous indisponibles et au moins pour une semaine. L’un d’entre eux nous donne les coordonnées d’un mécano qui vient de créer son garage et, miracle, il peut nous voir tout de suite. Pendant qu’il vérifie d’où peut venir la panne, on va faire un tour à la bibliothèque, où le wifi est gratuit et illimité : l’Australie est quand même un chouette pays. On le récupère à midi, on demande avant si le mécano a bien fait un tour avec pour vérifier qu’il ne fait plus de toussotement, il nous assure que non et nous allège de $100. Forcément, au bout de 5 km de route, la même en couleur. Retour au garage, regard étonné du mécano, qui nous demande de faire un tour avec lui pour lui montrer. Il faudrait un jour avouer aux garagistes que ça ne nous fait pas plus plaisir à nous qu’à eux de devoir revenir parce que notre véhicule ne roule pas correctement. C’est pas contre eux, hein, moi, j’aurais été ravie de pouvoir repartir à midi et de ne pas devoir débourser encore $150 pour changer les bougies et le filtre à essence (ah, j’avais raison !). De plus, les bougies étant encrassées, le mécanicien qui avait réalisé l’entretien à Broome aurait dû remplacer tout ça pour un coût minime, c’est en tout cas ce que nous dit ce mécano-là. Bon, on ne va pas remonter jusqu’à de 800 km vers le nord pour aller se plaindre mais je me dis une fois encore que plus jamais je n’achèterai de voiture !
On part cette fois pour de bon de Margaret River, direction les arbres géants histoire de prendre un peu de hauteur et d’avoir un peu le vertige pour certains.