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Oz. Un an en australie (et plus si affinités)

J+336 et J+337 — La route du monde oublié, dans les brumes de Taranaki

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La seule et unique raison de parcourir la Forgotten World Highway pour nous était de rejoindre le volcan Taranaki par une route moins usitée et offrant quelques attractions, plutôt que de simplement avaler des kilomètres de goudron sans s’arrêter. Déjà que nous rendre à Taranaki nous obligeait à un détour vers l’ouest du pays alors que nous devions rejoindre le sud dans quelques jours pour prendre le ferry vers l’île sud, cette « autoroute du monde perdu » nous oblige également à faire quelques détours. Pas de problème en théorie, sauf si le temps à Taranaki est si mauvais qu’il nous oblige à renoncer à toute balade sur place et à tracer directement vers le sud. Ce qui sera hélas le cas. Pour se consoler il y a quand même les attractions de la Forgotten World Highway.

Cette route de 158 kilomètres est principalement réputée auprès des Néo-zélandais comme étant l’une des plus accidentogènes du pays à cause d’un court passage sur graviers. Mais nous des gravel roads on en a fait des tas en Australie, sur des centaines de kilomètres, alors ça ne nous fait pas plus peur que ça. Sauf qu’ici la différence c’est que la route est loin d’être plate et droite, c’est une sinueuse route de montagne creusée dans une étroite gorge au-dessus de la rivière. C’est joli mais parfois impressionnant.

Sur la route de nombreux points d’intérêts sont indiqués, mais en réalité peu d’entre eux présentent un réel intérêt. Nous voyons surtout des prés, des moutons et des collines à perte de vue.

Certains points de vue promettaient une belle vue sur les volcans de Tongariro, mais nous ne verrons que des nuages aujourd’hui. La section de route non bitumée ne nous oppose pas de problème et s’avère même agréable, l’impression de s’enfoncer au fond de la forêt. Entre les anciennes routes de scieries s’élève parfois une tombe célébrant la mémoire d’un paysan ou d’un cartographe pionnier du coin. Nous quittons la route principale pour faire un détour jusqu’à Mt Dampere Falls qui nous font traverser les prés de moutons puis la forêt avant d’arriver à un effrayant point de vue sur ces chutes d’eau de 74 mètres. Du haut des chutes la rivière semble tout à fait calme et tranquille, mais soudainement elle tombe dans le vide du haut d’une falaise blanche et immense. Rien que penser à l’idée de cette surprise si soudaine est effrayant vu l’ampleur de la chute. Ce n’est pas le bon endroit pour aller se baigner… Visiblement ce n’est pas l’endroit pour se baigner pour les moutons non plus : au retour nous voyons plusieurs cadavres de moutons flotter à la surface de la rivière, en amont des chutes.

Je ne compte plus les virages de la route tellement ils sont nombreux, il n’y a pas de section droite plus longue que quelques mètres tout au plus. La conduite est compliquée et dans un virage on évite de près une collision avec un véhicule à cause de notre voiture qui s’est déportée, c’est ma faute j’ai pris le virage trop vite. Rien de cassé, mais une grosse frayeur pour nous et le conducteur de l’autre voiture qui commence à nous engueuler. Je m’excuse et il s’en va. Je n’en mène pas large, c’est la première fois que ma conduite me fait peur. Je roule prudemment en général, mais un moment d’inattention peu arriver et voilà quand ça arrive ça se passe en moins d’une seconde. À l’avenir je serai encore plus prudent. En attendant Anne reprend le volant pendant que je reprends mon souffle.

Nous traversons un tout petit tunnel, puis un autre, et nous mangeons juste après le second : il est tard, on a faim, on est fatigués. Ces tunnels sont très photogéniques et leur aspect miniature colle avec le décor qui nous entoure, proche d’une histoire fantastique.

Nous passons à Whangamomona, minuscule village qui a revendiqué son indépendance en 1989. On s’y arrête pour voir un peu à quoi ça ressemble, mais ça semble être surtout une raison de faire venir les touristes, car on est plus proches de l’exploitation commerciale que de croire réellement dans le projet politique. Contrairement à la principauté de Hutt River dans le Western Australia, où la « famille royale » est réellement investie, juridiquement, politiquement et humainement dans leur projet, tout aussi fantaisiste qu’il paraît, il colle complètement à la personnalité fantasque de ses acteurs. Ici on est loin de là, on vend simplement des passeports qui sont de simples photocopies papier d’un dessin un peu moche. On n’est pas emballés, et ça semble confirmer les dires du « prince » de Hutt River qui dénonçait ceux qui créaient des micro-nations sans y croire simplement pour faire parler d’eux.

Nous finissons par rejoindre la grande route de la côte ouest et quitter ce monde oublié, où la Nouvelle-Zélande a enterré ses projets industriels d’exploitation des mines et des forêts et créé un parc national, Whanganui, qui suit la rivière du même nom. Encore un endroit sauvage qui semble extraordinaire et passionnant à explorer. Mais déjà nous devons rejoindre les flancs du mont Taranaki, le grand volcan au cône ceint de blanc.

Enfin ça aurait été ce qu’on aurait pu voir si un épais brouillard ne l’avait pas caché. Si sur la Forgotten World Highway il faisait un temps nuageux mais que ceux-ci étaient hauts dans le ciel, dès que nous commençons l’ascension vers North Egmont, le bureau d’information du parc national, une brume épaisse recouvre la forêt et la route. Épaisse comme je n’en avais jamais vu auparavant. Si dense que nous ne pouvons rouler qu’à 30 km/h, à cause du risque de voir débouler une voiture dans l’autre sens. Le paysage est inquiétant. Les arbres sont tordus et semblent vouloir lancer leurs bras de bois et de feuilles pour nous attraper au passage. Ils se cachent dans le brouillard, attendant le moment le plus propice pour nous surprendre.

À North Egmont, alors que l’altitude n’est que de 962 mètres c’est encore pire. En sortant de la voiture un froid saturé d’humidité nous agresse. Il fait si humide que nos k-way se mouillent alors qu’il ne pleut même pas. Comme il était déjà tard on savait qu’aujourd’hui nous ne pourrions sûrement pas faire la randonnée que nous avions prévue, mais là c’est sûr que c’est impossible, surtout que la randonnée doit nous faire grimper jusqu’à 1.200 mètres d’altitude, à Pouakai Hut. Même si Taranaki est réputé pour régulièrement prendre les vies des alpinistes et randonneurs qui s’attaquent à son sommet, ce sommet est quand même à 2.518 mètres. On ne s’attendait pas à de telles conditions à seulement 900 mètres d’altitude.

On décide d’attendre demain et d’aller dormir pour la nuit sur un parking avec des toilettes plus bas sur la route, où la brume est un peu moins épaisse. Mais il fait tout aussi froid. Pour se consoler avant de repartir se garer pour la nuit on fait une petite balade sur Nature Walk, autour du bureau d’information du parc national. La forêt est menaçante et inquiétante, mais aussi étrangement claire avec ce manteau blanc et impénétrable qui nous cache tout à plus de quelques mètres.

Le lendemain ça ne va pas mieux. La météo ne s’est pas améliorée du tout. On redescend la route jusqu’au village le plus proche pour se connecter au net et regarder les prévisions météo mais aucune amélioration n’est prévue avant plusieurs jours. On décide donc d’abandonner Taranaki, déçus mais soulagés de descendre en dessous de cet oppressant nuage blanc. Nous passons par la grosse ville de Palmerston North, et on se remet de notre déception avec un excellent fish and chips à moins de 3 €. S’il y a bien un truc de pas cher ici c’est le fish and chips, alors on ne va pas se priver !

Nous rejoignons le parc régional de Tararua, et après une courte mais très impressionnante route creusée dans le flanc de la gorge surplombant de très haut une large rivière nous gagnons Otaki Forks, lieu de départ d’une randonnée de 5 à 6 heures prévue pour demain, devant nous mener dans les hauteurs du mythique plateau des Tararuas. Ce soir nous nous contentons d’une petite boucle justement nommée Arcus Loop qui nous fait visiter les alentours de la vallée en un peu moins de 4 kilomètres. Nous sommes sous une pluie fine qui ne nous empêchera pas de profiter un peu du majestueux paysage de la vallée. On se contente de ça, à défaut d’avoir pu marcher sur Taranaki ou même d’avoir pu voir ce volcan. On espère que la randonnée de demain ne sera pas sous la pluie ou la brume au moins.