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J+281 — Les Blue Mountains : Blackheath et le Grand Canyon

Publié le

Par où commencer ? Nous avons passé des journées si belles et magiques dans les Blue Mountains que je ne sais plus par quel côté commencer. Nous avions prévu d’y passer 2 ou 3 jours et nous y sommes restés cinq jours, et même six car pour visiter Sydney nous y sommes allés en train en laissant le van garé dans les Blue Mountains. Commençons donc par le début.

Après avoir quitté Wollemi National Park nous découvrons donc en pleine nuit et par hasard un charmant camping gratuit situé sur Megalong Rd, à quelques kilomètres de Blackheath. Bien que ce village soit situé dans les hauteurs des montagnes, à une altitude (1.065 mètres) où il n’est pas rare de voir de la neige en hiver, la route nous emmène descendre en lacets dans la vallée de Megalong. Ce nom n’a rien à voir avec une histoire de taille de vallée, de route ou autre, mais vient d’un mot aborigène qui signifie « la vallée sous le rocher ». C’est donc dans l’obscurité la plus totale que nous débarquons à l’endroit qui sera notre camp de base pour les sept prochaines nuits. L’avantage c’est qu’au matin on constate que malgré l’épaisse forêt qui nous entoure le soleil perce rapidement à travers les arbres pour nous réchauffer. Et ce n’est pas du luxe car dans cette vallée il va faire froid… Mais en ce mercredi 14 août il ne fait « que » 3°C, soit une température plutôt douce pour nous ces jours-ci.

Nous commençons par rejoindre le village de Blackheath pour voir le Visitor Centre où nous apprécions l’exposition sur le parc national des montagnes bleues avant de débuter notre randonnée du jour, indiquée dans notre livre 40 Great Walks. Alors pourquoi « montagnes bleues »  ? Hé bien c’est visible dès le premier point de vue sur notre parcours : les montagnes à l’horizon prennent une jolie teinte bleutée. Cela est dû aux vapeurs dégagées par les eucalyptus des vallées emprisonnées au pied d’immenses falaises.

Et il y a de quoi être impressionné : devant nous s’étend un grand parc national aux reflets bleutés, qui fait partie d’une zone reconnue au patrimoine mondiale de l’humanité. Cette zone est grande comme deux fois l’Ardèche : ça donne une idée de l’immensité de la région. Avec Wollemi, Yango, Kanangra Boyd et Nattai cette région représente une immense zone sauvage quasiment inexplorée : des randonneurs y découvrent régulièrement de nouvelles espèces végétales complètement inconnues. C’est un peu le monde perdu du New South Wales : qui sait si dans ces vallées à l’accès difficile il n’existerait pas encore des animaux que nous pensions disparus ? Bon peut-être pas des dinosaures, mais qui sait ? Et tout cela à seulement une heure et demie de Sydney, la plus grosse ville du pays, à laquelle sont reliés de petits villages à travers une mince crête montagneuse où grimpent la seule route et la seule ligne de chemin de fer de la région.

Mais revenons à notre balade du jour. Au troisième point de vue ce n’est plus la vallée qui retient notre attention mais une chute d’eau majestueuse : Govetts Leap, haute de 180 mètres, et qui se jette d’un coup d’un seul du haut de la falaise comme si la croûte terrestre avait ici été découpée avec précision. Je crois que je suis un petit peu impressionné.

Nous quittons ensuite le point de vue et les touristes qui n’iront pas plus loin pour continuer notre rando mais nous partons du mauvais côté : nous commençons à descendre dans la vallée au lieu de la contourner par le haut des falaises. Ce n’est que devant un panneau indiquant Rodriguez Pass à 9 heures de marche de là qu’on se dit qu’on ne doit pas être dans la bonne direction… Comme c’est toujours la faute de l’autre, et qu’on a tous les deux un caractère de cochon on s’engueule copieusement. Je suis fatigué de ces conflits, je ne veux pas continuer dans ces conditions, je m’arrête là mais Anne continue. Comme je boude comme un gamin je ne la suis pas. Mais je regrette vite et commence à m’inquiéter. Je cours dans un sens sur le chemin puis dans l’autre, ne la trouvant plus. Je panique un peu, et mon vertige depuis le haut des falaises ne me calme pas. Finalement on se retrouvera quelques minutes plus tard pour reprendre le chemin ensemble. C’était puéril comme comportement, mais je pense que c’est le fait de rester ensemble en permanence, à vivre toutes les tensions et les problèmes ensemble qui nous empêche de prendre un peu de recul et à parfois s’engueuler comme ça pour rien. Il faut parfois que la pression retombe et que je subisse un moment de panique comme ça pour réaliser à quel point je peux parfois me comporter de manière inexcusable.

Nous repartons donc, et dans le bon sens cette fois-ci, sur Cliff Top Walk. On enjambe le cours d’eau de Govetts Leap avant qu’il ne se jette dans le vide, ce qui vaut mieux pour nous. Nous atteignons Evans Lookout qui nous offre encore de belles vues sur la vallée de Grose. De là nous descendons des marches, et nous descendons encore, en se disant qu’il va falloir qu’on remonte tout ça…

Nous arrivons finalement au pied des falaises et nous poursuivons dans un étroit canyon : c’est Grand Canyon. On n’est pas aux États-Unis et celui-ci est plus petit mais bon il est quand même très impressionnant et surtout le Grand Canyon américain n’est même pas un canyon : c’est une gorge ! Le chemin très bien aménagé nous permet d’enjamber les cours d’eau en marchant sur de gros blocs de pierre taillée avant de gagner un peu de hauteur et se promener sur un flanc de falaise derrière des barrières, dans une cavité tantôt naturelle tantôt aménagée. Le canyon est si étroit que parfois une couche de végétation s’est formée en hauteur. Si on devine par l’obscurité qu’en dessous le gouffre est encore plus profond on n’a aucune idée d’à quel point. Et mon vertige préfère ne pas savoir.

À gauche le sentier, à droite l’obscurité du gouffre

Encaissés dans le canyon on subit la fraîcheur de l’ombre et de la végétation luxuriante, ce qui contraste fortement avec le chaleureux soleil qui nous réchauffait quand nous marchions en haut des falaises. Il faut parfois marcher penché pour ne pas se cogner, parfois passer derrière des chutes d’eau, parfois traverser des petits tunnels, et parfois ne pas être tenté par l’absence de barrière pour aller voir où mènent ces trous béants à côté du chemin.

Nous émergeons du canyon après quelques zigzags entre les sacs de chantier remplis de pierres taillées et laissés là par un hélicoptère pour les ouvriers qui travaillent à aménager le sentier. Le soleil se fait plus bas et les couleurs deviennent orangées, signe qu’il faut qu’on se hâte. Avec notre engueulade on a pris du retard. On a essayé de se dépêcher mais le canyon était si beau, on a forcément un peu pris notre temps. On est quand même un peu frustrés d’avoir dû se dépêcher : on décide de revenir ici un jour prochain. Cet endroit est si extraordinaire qu’une seconde visite ne sera pas de trop pour l’appréhender.

Mais pour l’heure nous devons accélérer la cadence, nous ne sommes qu’aux deux tiers de notre rando : il nous reste à traverser le plateau pour rejoindre le Visitor Centre et notre van. Un peu de route goudronnée et quasi-déserte, un peu de chemin forestier, puis un sentier à moitié inondé longe Braeside Creek jusqu’à Govetts Leap et les falaises. Maintenant qu’on sait que nous ne sommes plus très loin on prend notre temps pour admirer le dégradé rose-bleu du ciel qui s’éteint derrière les montagnes bleutées. Nous atteindrons le van alors qu’il fait déjà nuit noire, avec des rêves bleutés profondément inscrits dans notre mémoire, et des étoiles dans les yeux jusqu’à ce que nous nous endormions dans la froideur du van au camping de Blackheath.