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Oz. Un an en australie (et plus si affinités)

J+241 — Gnome is where the heart is

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Ai-je déjà mentionné à quel point les villes m’emmerdent ? Sérieusement quand vous êtes en vacances, est-ce que vous avez envie de voir des gens habillés en pingouins courir dans les rues, attraper des bus et des métros bondés, baver devant les vitrines et tous se ruer hors des villes à la fermeture des bureaux ? Moi pas. Ceci explique pourquoi on ne passe que peu de temps dans les villes et qu’on essaye de les éviter autant que possible. Nous ne ferons donc qu’un court arrêt à Mandurah pour quelques courses, une connexion rapide au net et un passage au visitor centre. La ville est sympa avec sa petite marina en bord de mer, mais on n’a pas vraiment envie de rester.

On tente dans l’après-midi une visite de Yalgorup National Park, mais on n’est pas impressionnés par les thrombolites, ces lointins cousins des stromatolites. Et la balade que nous tentons à côté de Lake Clifton nous semble tellement ennuyante, plate et sans aucune vue que nous rebroussons chemin au bout d’un quart d’heure de marche. Il ne nous reste alors plus qu’à rouler vers Wellington National Park, en marquant une pause au charmant visitor centre de Harvey, village spécialisé dans ses produits laitiers et ses jus de fruit, comme le montrent ses nombreuses sculptures amateur. On ira ensuite dormir sur une aire de pique-nique vers l’entrée de Wellington National Park.

Le lendemain on se réveille dans un van trempé d’humidité. En effet on n’y pense pas mais les voitures (et notre van n’est rien d’autre qu’une simple camionnette utilitaire transformée de nos mains avec du matériel de récupe) ne sont pas conçues pour dormir dedans. Il n’y a pas d’isolation, pas d’aération et bien évidemment pas de chauffage. Et depuis que nous sommes arrivés dans le sud-ouest du Western Australia ça se ressent : nous passons nos soirées assis ou vautrés sur les banquettes dans nos sacs de couchage, ne sortant les mains que pour manger ou écrire chacun notre journal de voyage.

Grâce au chauffage de la voiture quand on conduit avant d’atteindre les campings on arrive à maintenir une température vivable pendant une à deux heures après que nous ayons arrêté le moteur. Mais ensuite il commence à faire sérieusement froid. Heureusement ça correspond en général à l’heure de se coucher, étant donné qu’il fait nuit. De fait l’utilisation de l’ordinateur est limitée : il n’y a pas d’électricité quand nous sommes arrêtés, et quand nous roulons l'inverter (convertisseur de tension 220V qui se branche sur la prise allume-cigare 12V) n’est pas assez puissant pour recharger deux ordinateurs en même temps (et s’il l’était c’est le fusible de la voiture qui sauterait ou le câble de l’allume-cigare qui se mettrait à fondre). Pour la lecture c’est aussi assez limité, déjà parce qu’il faut sortir les mains de sous la couette (horreur !) et ensuite parce que notre lampe solaire Ikea, bien que plutôt vaillante et fonctionnelle, ne fournit que trois à quatres heures de lumière acceptable pour lire (ensuite elle éclaire toujours mais ça fait mal aux yeux de lire). Bref le choix d’activités nocturnes est limité. Ça tombe bien parce qu’en général on tombe de fatigue assez vite, épuisés de nos journées si sportives (si si !).

Pour revenir au problème d’humidité : pas d’aération ni de chauffage signifie que c’est la chaleur dégagée par le corps humain qui va chauffer l’habitacle. Sauf que celui-ci n’étant pas isolé, cette chaleur humide (l’humain ayant cette caractéristique de transpirer dans son sommeil) va se condenser sur les parois. Donc le matin les parois, le plafond, les vitres sont couvertes de buée quand il fait doux et carrément d’eau quand il fait froid. Et pour nous il y a aussi le matelas qui se retrouve humide, l’humidité se condensant sur les plaques de bois où est posé le matelas. Le problème serait légèrement moins important avec un sommier à lattes, mais si vous casez un sommier à lattes dans le van il n’y a plus de places pour rien d’autre et je pense que quand la température à l’intérieur est de 0°C ça ne changerait quand même pas grand chose.

Bref en ce beau matin ensoleillé nous étendons le matelas sur la bâche pour tenter de le faire sécher au soleil, comme si souvent nous l’avons fait. Le problème c’est qu’à l’ombre des arbres de la forêt, du soleil, il n’y en a pas beaucoup et donc la température ne monte pas et le matelas ne sèche pas. Réaction unanime de vos voyageurs préférés : « grombl fait chier ».

Évidemment comme ce matin on avait vraiment la flemme de sortir de nos duvets on a commencé par regarder un film sous la couette avant de se décider à se lever et faire sécher le matelas, du coup le temps qu’on prenne le petit-déjeuner il est déjà 10h du matin alors qu’on s’est réveillés à 6h. Quelle efficacité. On part finalement pour Wellington National Park alors que la température a atteint un summum de 3°C.

Wellington National Park n’a rien à voir avec la Nouvelle-Zélande, à part peut-être le froid et l’humidité mais sinon c’est simplement un des premiers grands parcs du South West, composé d’un grand lac artificiel et de plusieurs cours d’eau et déjà de grands arbres. Après un petit tour au barrage du lac artificiel et à une ancienne carrière aujourd’hui utilisée pour faire de la descente en rappel, on prend une étroite route à sens unique qui serpente pour rejoindre Honeymoon Pool, petit camping en bord de rivière. L’eau a l’air très jolie mais vu la fraîcheur on va éviter de se baigner aujourd’hui.

On enfile nos chaussures de marche (oui même par 0°C je commence la journée en sandales, nan mais je suis pas venu en Australie pour rien non plus) et on commence le sentier de Jabitj Trail. On s’arrête au bout de dix minutes à un pont de la route et on voit qu’il y a un petit parking à côté… au soleil ! Ni une ni deux Anne va en courant (d’aucuns diraient que c’est une sportive-née mais en fait c’était seulement pour se réchauffer) chercher le van pour aller le garer en soleil pour que l’intérieur et le matelas sèchent, car un van au soleil c’est un vrai sauna : la température monte bien plus qu’à l’extérieur. Oui bon ok j’arrête de raconter ces histoires d’isolation, de chaud/froid, de condensation tout ça, je sais ça vous emmerde OK bon je comprends. Mais comprenez-bien notre situation, nous qui sommes venus en Australie avec cette image d’été permanent, de chaleurs intolérables, et voilà qu’on se retrouve à se geler, on se dit qu’on a dû manquer une intersection et qu’on s’est retrouvés en Nouvelle-Zélande c’est pas possible.

Nous pouvons donc enfin commencer notre randonnée de la journée mais… oh attendez, qu’est-ce que c’est dans la rivière là ? Ah ben oui c’est bien une truite arc-en-ciel, reconnaissable à sa bande rouge-rose sur le côté, qui essaie de sauter par dessus les rochers pour remonter la rivière ! Quelle vigueur, quelle force ! Hum bon excusez, première fois de ma vie que je vois une truite sauter dans une rivière…

Je disais donc que nous pouvons commencer notre randonnée, Kurliiny Tjenangitj, une boucle de 10 kilomètres dans la forêt. On commence par longer la rivière et de grands étangs naturels qui semblent faire de superbes coins de baignade… en été. Pour nous en hiver on se contentera du superbe reflet de la forêt dans l’eau.

On suit le sentier mixte VTT / randonnée qui grimpe en lacet dans les hauteurs pour atteindre un point de vue. Là il y a bien des tables de pique-nique mais niveau vue ils ont dû oublier de l’installer parce qu’à travers les arbres on ne voit pas grand chose. On distingue bien que ça a l’air superbe, mais seulement l’air. Ah si j’avais un 4x4 et une tronçonneuse comme les bogans (ploucs) australiens… Mais je m’égare. On redescend par un chemin un peu plus intime réservé aux piétons, ça descend pas mal et les genoux en prennent pour leur grade. On voit beaucoup de banksias sèches, ces gros épis fleuris en été s’assèchent et meurent en hiver pour ressembler à des pommes de pin. Sauf que c’est relativement gros et lourd, car contrairement aux pommes de pin c’est du bois plein. On va donc éviter de s’en prendre une sur la tête.

De retour à Honeymoon Pool il est temps de manger et je profite de faire chauffer un peu d’eau au barbecue pour me laver : méthode bassine et bol, alors qu’il doit faire 5°C, ben je peux témoigner qu’on se lave et se rhabille très très très vite.

Il est ensuite temps de quitter le parc et l’unique et téméraire campeur en train de fendre du bois pour son feu de camp. En même temps vu la taille de sa tente, son équipement et même son groupe électrogène je ne pense pas qu’il risque de manquer de confort…

Nous repartons donc sur la route et après une douzaine de kilomètres de petites routes dans les forêts on arrive à un rond-point. Mais ce rond-point n’est pas comme les autres. Je vais donc vous conter cette histoire du sud-ouest de l’Australie : le conseil municipal du patelin du coin, à une quinzaine de bornes de là, a décidé un jour de créer une intersection à cet endroit, en bas d’une colline. La population locale se rebiffe : « quoi une intersection en bas d’une colline, mais c’est dangereux voyons !  » Le conseil municipal trouve une solution : « on va mettre un rond-point, c’est joli les rond-points, d’ailleurs en France y’en a plein c’est bien la preuve que c’est un aménagement de bon goût ». La population n’est pas d’accord : « non mais ça va coûter cher, et puis en plus ça va prendre de la place pour rien ». Le conseil municipal passe en force et commence les travaux du rond-point. En opposition une habitante du coin vient placer à cet endroit un nain de jardin pour surveiller les travaux. De là une autre habitante apportera un autre nain, puis un autre etc. jusqu’à former l’endroit loufoque qui existe aujourd’hui : Gnomesville. Autour du rond-point sont donc amassés en rues et lotissements des nains de jardin de toutes les tailles, couleurs et origines. Selon le site officiel de la ville il y en a plus de 5.000.

C’est donc à cet endroit unique que l’on peut se promener et admirer tous ces nains de jardin étranges, parfois rassemblés par lieu d’origine ou équipe de foot. L’histoire de la formation de Gnomesville ne raconte pas pourquoi les nains de jardin, et en quoi ils auraient pu empêcher le rond-point de se construire, mais l’histoire me semble suffisamment loufoque à la base pour ne pas avoir à creuser plus loin.

On se balade donc une bonne demi-heure dans ce beau bordel avant de terminer la route jusqu’à notre camping pour la nuit : Ironstone Gully Falls, à côté de chutes d’eau qu’on ne verra jamais mais surtout avec pas mal de passages de ploucs du coin venus saccager la forêt en 4x4 toute la nuit…