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Oz. Un an en australie (et plus si affinités)

J+217 à J+220 — Dans les gorges de Karijini

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Karijini est l’un des parcs les plus célèbres d’Australie. Mais ici dans le centre-nord du Western Australia, dénommé le Pilbara, il n’y a pas beaucoup d’attractions, donc nous n’avons même pas pris la peine à l’avance de se renseigner sur pourquoi telle attraction est célèbre, on y va juste et on verra bien ce que c’est. Parfois c’est un peu décevant, mais parfois c’est aussi extraordinaire, et on ne veut plus repartir…

On ne savait donc pas grand chose de Karijini avant de venir, à part que c’était un parc national, qu’on nous avait dit d’y aller et que notre livre décrivant quarante randonnées en Australie y indiquait une balade sur Mt Bruce. Du coup on se disait chic un sommet à monter, ça faisait longtemps, surtout que le Top End ne nous a offert que peu d’occasions de grimper en haletant.

Mais je ne m’attendais pas en tout cas à découvrir ça.

Ça, ce sont des gorges pourpres et immenses qui déchirent la plaine sur des centaines de mètres de profondeur. Là où à perte de vue il n’y a que des plaines et de petites collines, se cachent ces grandes gorges qui découpent la roche par de hautes falaises au bas desquelles coulent de petits cours d’eau à l’abri du soleil de plomb. On n’imaginerait vraiment pas ces trous béants au milieu de ce plat paysage. Mais pourtant ils sont là. Et il y en a tellement ici, et donc tellement à explorer !

Mais en premier lieu en arrivant il nous faut passer par le visitor centre qui sous une architecture moderne de métal rouillé abrite une petite expo sur les animaux locaux et l’histoire du parc, qui lui-même est une ancienne cattle station. C’est surtout le coin pour récupérer une brochure avec une carte du parc pour s’y repérer et voir les balades à faire.

La première consistera à parcourir Dales Gorge, en partant de Fortescue Falls. Il fait chaud et on en profite pour se baigner au pied des chutes. La fraîcheur de l’eau écourtera la baignade au strict minimum. C’est joli, mais en fait je préfère suer au soleil qu’attraper une pneumonie dans l’eau glacée du fond de la gorge.

Il faut ensuite se déplacer dans le fond de la gorge en traversant parfois la rivière en essayant de ne pas se mouiller les pieds, et parfois en longeant de très près les falaises rouges qui bordent la gorge.

À l’autre extrémité de la gorge une piscine naturelle d’une couleur surréaliste, Circular Pool se forme là où l’eau apparaît comme par magie depuis des sources souterraines à travers les parois rocheuses.

Après avoir remonté par marches et échelles pour sortir de la gorge on va profiter des barbecues du parc pour se faire toaster nos sandwichs, miam miam !

Le parc ne dispose que de deux sources d’eau potable, deux réservoirs alimentés par un puit souterrain et une pompe à électricité solaire. Du coup on a l’idée d’utiliser le tuyau du réservoir pour se doucher, mais on a été précédés dans l’idée par un groupe de français vulgaires et bruyants, on attendra donc un peu pour avoir l’occasion de se laver à l’eau froide au milieu du bush.

Le lendemain sera constituté d’un enchaînement de petites balades dans les gorges du parc. La première est Kalamina Gorge, où après quelques kilomètres de dirt road un peu tape-cul on descendra au pied des Kalamina Falls pour commencer l’exploration de la gorge. Le sentier n’est pas balisé, il faut suivre la gorge principale et ne pas aller se perdre dans les gorges secondaires. Il faut souvent traverser la rivière en sautant de caillou en caillou, et essayer de deviner quel est le chemin pour progresser. C’est rigolo mais on finit par être bloqués à Rock Arch Pool, au bout de seulement un kilomètre.

Le temps de revenir et pour Anne de faire tomber son sac à dos dans la vase, on quitte la gorge pour en rejoindre une autre : Joffre Gorge. Celle-ci est bien plus haute et impressionnante. Il va falloir la contourner pour pouvoir commencer à y descendre.

On traverse le torrent qui forme en aval Joffre Falls et après un passage d’escalade on se retrouve au bord des bassins du fond de la gorge. Reste plus qu’à rêvasser quelques temps en observant les oiseaux pendant que de curieux nuages se déplacent paisiblement dans le ciel…

La troisième gorge de la journée sera Knox Gorge, où un sentier abrupt mais sans escalade nous emmène jusqu’aux plages de galets qui bordent la rivière. L’occasion de perdre notre temps à faire des ricochets dans l’eau, avant d’essayer de comprendre si nous sommes censés partir en aval ou en amont. C’est donc en aval qu’il faut suivre le fond de gorge en sautillant d’un côté à l’autre de la rivière, mais contrairement à Kalamina le chemin est balisé. Les parois de la gorge sont simplement immenses, difficile à décrire l’impression d’être minuscule au milieu de tout ça.

Enfin au moment où la gorge se resserre au point de laisser à peine la place pour une personne le sentier s’arrête et un panneau indique que pour continuer il faut être équipé de matériel de spéléo et surtout d’un guide. On va donc s’arrêter là pour ne pas faire les gros titres des journaux comme d’autres groupes de touristes (français, comme par hasard) qui se foutent de ces avertissements et doivent se faire secourir une fois blessés ou bloqués dans les gorges. N’empêche que nous restons là un bout de temps à admirer la gorge qui après le panneau devient plus profonde et semble rejoindre une autre gorge dans une grand bassin naturel. Majestueux, et évidemment complètement impossible à retranscrire en photo ou en mots…

Il n’est pas encore trop tard et on compte bien s’attaquer aux dernières gorges du parc aujourd’hui, on reprend donc le van pour parcourir des kilomètres de route dans un état lamentable, avec de la corrugation sur tout le long, nous obligeant à rouler à 15 km/h pour éviter d’avoir l’impression que la voiture va se disloquer sur place tellement les vibrations sont importantes. On met plus d’une heure pour parcourir une poignée de kilomètres, on est épuisés de ce périple quand on arrive à Weano Day Use Area.

Une fois arrivés on commence à partir dans Hancock Gorge mais surprise à mi-chemin : il va falloir se déchausser et se baigner pour pouvoir passer, car le chemin passe dans l’eau… Ce n’était évidemment indiqué nul part sur les brochures, mais uniquement à l’entrée de la gorge. Comme on a pas pris les maillots et qu’il commence à faire sombre et frais dans la gorge on renonce pour aujourd’hui.

On va quand même voir les deux points de vue du coin pour admirer l’intersection des gorges et leur hauteur phénoménale.

Le problème qui se pose maintenant c’est de trouver où dormir ce soir. En effet le seul camping du parc est à Dales Gorge, à 40 kilomètres de nous, et surtout cela implique se retaper cette route pourrie de nuit alors que les kangourous sont susceptibles de traverser n’importe quand.

On discute avec un couple de lyonnaises et un couple de toulousaines en van qui sont dans la même situation et nous informent que la seule alternative possible, un « Eco Resort » géré par les aborigènes à une dizaine de kilomètres de là (ce qui implique donc déjà une bonne partie de la route pourrie), et ne propose que des emplacements à 45 dollars la nuit et douche froide. C’est à peu près 4 fois le prix d’une nuit dans un camping de parc national et c’est simplement indécent pour un service si basique pour ne pas dire inexistant.

Finalement on décide de rester dormir sur le parking de la Day Use Area, qui est en réalité un ancien camping du parc national. Des fois on se demande bien comment sont gérés ces parcs nationaux, parce que là ça semble un peu intéressé comme gestion quand même. Bref on reste là pour la nuit avec un groupe d’australiens et nos amies en van, et le matin on se lève tôt pour aller explorer les deux gorges qu’il nous reste.

C’est donc à 8h du matin que nous débarquons en maillot de bain dans Hancock Gorge, sans appareil photo du coup, et sous une température plutôt fraîche qui ne doit pas dépasser les 15°C, brrr. Évidemment l’eau n’est pas chauffée, elle est même plutôt froide. Mais pour Hancock Gorge il faudra simplement traverser un petit bassin avec de l’eau jusqu’à mi-cuisse et ensuite il est possible d’escalader (à mains nues et pieds nus !) la paroi de la gorge pour ne pas avoir à nager dans l’eau froide. Après un grand amphithéâtre sobrement dénommé « The Amphitheatre » la gorge bifurque et devient plus étroite. Là, c’est « Spider Walk » il faut avancer en appuyant un pied sur une paroi de la gorge et l’autre sur la paroi opposée, comme une araignée. C’est rigolo mais faut faire gaffe, c’est assez glissant.

Enfin on arrive à « Kermit Pool » après un peu plus d’escalade et cette piscine naturelle à l’eau turquoise marque la fin du parcours possible sans équipement de spéléo, une chaîne barre l’accès à la suite de la gorge. Il ne reste donc plus qu’à repartir par le même chemin et sortir de la gorge.

La seconde et dernière gorge c’est Weano Gorge où après une série de marches et quelques centaines de mètres à marcher en fond de gorge il faudra se déshabiller et traverser un bassin avec de l’eau jusqu’à la taille. Après ce passage il faut continuer à marcher en fond de gorge pendant un kilomètre, sur des cailloux, de la végétation, etc. Le problème c’est que nous on avait laissé nos chaussures avant le bassin. Tant pis c’est pas des plus agréables mais on termine pieds nus.

On arrive à l’endroit où la gorge se rétrécit, il faut marcher les pieds dans l’eau de la rivière qui passe là jusqu’à une rampe en métal où il faut bien s’accrocher pour descendre au bord de « Handrail Pool » (décidémment ces australiens font preuve d’une créativité sans bornes !), surtout que c’est bien glissant.

Et là vient le moment le moins rigolo, car pour terminer la balade il va falloir plonger dans l’eau glacée, nager pendant une dizaine de mètres, sortir de l’eau, marcher sur des rochers, re-plonger et re-nager une trentaine de mètres jusqu’à « Jade Pool ». Là se termine le chemin accessible sans équipement de spéléo. Le problème c’est que aller barboter dans l’eau très froide alors que la gorge est plongée dans l’ombre et un courant d’air relativement frais, on a du mal à se réchauffer ensuite. Anne supporte plutôt bien mais moi je tremble de froid et n’arriverais pas à arrêter les tremblements avant de retrouver le soleil. Je me dis que la prochaine fois je ne ferais pas la même chose sans combinaison de plongée ou sans emmener des vêtements chauds pour quand on quitte l’eau, parce que sur le moment je me suis dis que j’avais quand même fait un truc un peu débile et à la limite d’être dangereux…

Après s’être réchauffés on a repris le sentier en fond de gorge jusqu’à remonter et terminer la boucle au soleil.

C’est là que se termine notre exploration des gorges, on reprend la route pourrie et cabossée pendant 14 kilomètres jusqu’au second réservoir d’eau du parc, où on peut enfin faire la vaisselle et se doucher à l’eau froide.

On quitte le parc national sur un mélange de dirt road et pour la première fois depuis 3 jours, de route bitumée, ouf.

Notre dernier jour à Karijini nous emmène à l’écart de la partie payante du parc, à Mt Bruce. Cette montagne de 1235 mètres, soit 500 mètres au dessus de la plaine, s’élève entre la route qui traverse le parc et une immense mine de fer. Du coup le côté de la mine n’est pas des plus jolis avec ses passages incessants de trains immenses, ses camions et son paysage ravagé. Mais l’autre côté est plus sympa, avec les quelques autres collines de Karijini.

Le sentier serpente sur la crête, descend et remonte au gré des formes de la montagne, jusqu’à arriver au sommet après un passage à batailler contre les broussailles pour retrouver son chemin.

Après avoir croisé un groupe de français désagréables (ça devient une habitude) on peut admirer les vues du sommet malgré le vent fort et glacial qui le balaie.

Mais c’est en redescendant qu’on profitera le plus des vues magnifiques sur le coin, de la végétation désertique, des quelques fleurs et surtout de ces nombreux petits lézards à tête ronde dont le rouge du désert a déteint sur leur peau.

Après ces quatres heures de marche on reprend la route jusqu’à Tom Price, une petite ville minière juste à côté de Karijini, ce qui clôt notre séjour dans ce parc qui nous laissera de beaux souvenirs, et quelques frissons de ses eaux glacées…