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Oz. Un an en australie (et plus si affinités)

J+209 — Tunnel Creek & Windjana Gorge

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Après notre non-escapade à Purnululu, les possibilités de se dégourdir les jambes sont limitées. En effet le Kimberley, région du nord du Western Australia grande comme le Royaume-Uni, ne propose pas grand chose si vous n’êtes pas équipé d’un 4x4. Si vous avez une telle motorisation vous aurez l’occasion de parcourir la Gibb River Road, qui de Derby à Kununurra vous permettra de découvrir les King Leopold Ranges et de nombreuses gorges. Il faut juste être près à se taper plus de 1.000 kilomètres de dirt road et traverser quelques rivières à gué. Malgré tout ce qu’on peut lire sur cette route, elle est loin d’être une route d’aventure aussi isolée qu’on pourrait le penser. Non seulement en cette saison des milliers de touristes la parcourent chaque jour, mais en plus il n’est pas rare d’y croiser quelques allumés en deux roues motrices, montrant que la route est relativement praticable. Je ne vous le recommanderais évidemment pas, mais ça relativise quand même l’image « aventure » de cette route.

À défaut de prendre la Gibb River Road il faut se contenter de l’autoroute. La Great Northern Highway fait un bon détour par le sud avant de rejoindre Derby. On pourrait se dire que ces 800 kilomètres offriraient quelques attractions mais non. Pourtant on traverse un paysage sublime, des chaînes de montagnes qui s’étendent à perte de vue : Carr Boyd Ranges, O’Donnell Range, Mueller Ranges, etc. Mais il n’existe aucun accès à ces merveilles, et aucun sentier de randonnée évidemment. Il faudra se contenter de les admirer depuis la route, frustrant. Les seules attractions accessibles sont Purnulu, Geikie Gorge, et via un détour Windjana Gorge et Tunnel Creek. De toutes celles-ci, Geikie Gorge est la seule qui soit accessible sans 4x4.

C’est donc après un passage à Halls Creek où l’IGA local a essayé de nous vendre du pain de mie décongelé et périmé de plusieurs mois pour la modique somme de 4$ (vive le foutage de gueule), on trace jusqu’à Fitzroy Crossing où la station service offre du pain frais pour seulement 2,30$, ouf. C’est à cet endroit qu’il faut changer de direction pour aller jusqu’à Geikie Gorge. Le coin est sympathique, mais on est pas convaincus du tout de la beauté de la gorge, et pour tout dire on s’emmerde pas mal à marcher dans le sable pendant une heure en fond de gorge. Autant de kilomètres pour ça, la déception nous inonde.

Heureusement, on avait décidé de faire le détour pour aller voir Windjana Gorge et Tunnel Creek. Ce qui impliquait de faire 170 kilomètres de dirt road qui n’est normalement accessible qu’en 4x4, et un morceau de la Gibb River Road, heureusement indiquée comme sealed (bitumé) sur la carte. Mais comme je le disais plus haut, toute route 4x4 est accessible en deux roues motrices si vous êtes suffisamment illuminé (comme nous) et surtout que vous la prenez au bon moment.

Le bon moment ça veut dire quand il fait suffisamment sec, surtout ici en région tropicale, pour que les passages à gué soient possibles. En effet si en 4x4 il est possible de traverser des gués jusqu’à 50 centimètres de profondeur, en deux roues motrices il ne vaut mieux pas dépasser la moitié du diamètre des roues, soit environ 20 centimètres.

Évidemment il faut aussi se renseigner sur la praticabilité de la route. Si la route est dans un état catastrophique, où qu’il y a des passages dans le sable, sans 4x4 ça risque de se transformer en grosse galère. Comme l’office de tourisme de Fitzroy Crossing était fermé (jour férié) on est allés demander aux gens du coin à droite à gauche, et tout le monde nous a dit que ça devrait aller, du coup plus rien ne nous aurait empêché d’y aller maintenant !

Notre dirt road, « Leopold Downs Rd », commence à 43 kilomètres de Fitzroy Crossing. Là un panneau vous accueille : la route est ouverte mais un 4x4 suffisamment haut est recommandé. OK. On n’a pas ça, mais c’est pas grave ! On fait quelques kilomètres de route en relativement bon état avant de rejoindre notre camping pour la nuit : RAAF Boab Quarry. C’est une ancienne carrière utilisée par la Royal Australian Air Force (RAAF) pendant la seconde guerre mondiale, probablement pour construire des pistes d’atterrissage dans le coin. Le lieu est superbe, probablement l’un des plus beaux endroits pour camper en Australie. La carrière a laissé un grand creux au milieu des rochers pour faire une sorte de gorge désormais remplie d’eau où l’on peut se baigner. Il y a aussi des collines de rochers à explorer, on peut y monter et se balader là pendant un bon bout de temps. Et c’est sans parler des centaines de baobabs qui poussent sur place. Comme d’habitude, les coins de camping gratuit sont parmis les plus chouettes et sauvages d’Australie, on ne comprend vraiment pas ceux qui préfèrent aller s’entasser dans des caravan parks à 30 ou 40 dollars la nuit.

Le lendemain nous sommes réveillés à 5h45, et le soleil commence déjà à pointer ses rayons. Il est temps d’entamer la centaine de kilomètres qu nous reste à parcourir avant d’arriver à Tunnel Creek. Pour cela il va falloir rouler sur la corrugation, qui est franchement peu présente jusque là, et surtout traverser des « creek ». C’est un mot difficile à traduire en français, ce n’est pas un ruisseau (qui se traduit par brook), ni une rivière, ni même un torrent. C’est un petit cours d’eau. C’est plus gros qu’un ruisseau, mais plus petit qu’un torrent. Pour simplifier on peut dire que pour traverser, on peut enjamber un ruisseau, mais pour une creek il vous faudra sauter, pour un torrent il vous faudra marcher dedans et pour une rivière il vous faudra nager.

Sur la route, croiser une creek peut amener à plusieurs résultats. Évidemment il n’y a pas de pont, pas de tuyau pour faire passer le cours d’eau sous la route, c’est la route qui passe dans le cours d’eau, d’où le nom de « creek crossing ». Dans le meilleur des cas le ruisseau est petit et ne fait que passer sur la route. L’eau est donc peu profonde, une poignée de centimètres, et comme la route ne forme pas une cuvette boueuse vous ne risquez pas trop de vous enfoncer.

C’est le meilleur cas possible, et c’est le cas des deux dernières creek que nous avons dû traverser. Pas de problème quoi. Dans le cas intermédiaire, qui est aussi notre première traversée, le passage des véhicules et l’eau ont formé une cuvette. La route devient donc pendant plusieurs mètres une énorme flaque d’eau, profonde d’une vingtaine de centimètres. Il faut donc descendre de la voiture et marcher dans l’eau pour repérer le coin le moins profond et le moins boueux pour passer. Il faut faire attention au passage des autres voitures aussi. En effet là où il y a le plus de passage l’eau est souvent la plus profonde mais aussi souvent le fond est le plus tassé et le moins boueux. Bref il faut faire un choix. Pour cette première traversée et après notre expérience cuisante de Serpentine Gorge où nous étions restés coincés au milieu d’une grosse flaque, on a préféré sonder l’eau précisément. On a aussi attendu qu’un 4x4 passe par là pour demander au conducteur qu’il attende qu’on passe et qu’il nous dépanne si on restait coincés. Il ne reste plus qu’à re-démarrer, passer la seconde (toujours pour traverser les rivières), et passer. Et ça passe !

Enfin le pire cas possible (enfin sauf celui où la rivière fait deux mètres de profondeur avec un très fort courant, auquel cas votre voiture ne passera pas si vous n’êtes pas James Bond), c’est que la creek passe dans un creux de la route, et forme ainsi une cuvette profonde et boueuse, suivie d’une montée un peu raide. C’est le cas de notre deuxième traversée. On descend du van, on marche dans la boue, on constate que là où passent la plupart des voitures c’est quand même bien profond de 30 à 40 centimètres soit plus que ce qu’on doit pouvoir passer sans problème. Et que c’est aussi assez boueux, ce qui signifie la possibilité que les roues glissent et s’enlisent. Pas cool. Finalement après avoir sondé le fond de l’eau, on décide de passer sur le côté droit où c’est un peu moins profond et où il y a de grandes pierres plates dans la boue. Je re-démarre, je passe la seconde, je traverse, le van penche très fortement sur la gauche mais ça passe sans encombre. Anne a juste eu peur que le van se renverse sur le côté, mais bon c’est passé !

Il ne nous restera ainsi plus qu’à terminer la dirt road jusqu’à Tunnel Creek. Il y aura d’autres creek crossings mais ceux-ci seront à sec, la seule difficulté consistera donc à contourner les traces de pneu un peu trop profondes laissées dans la boue séchée. Comme quoi même sans 4x4 on peut passer, faut juste ne pas avoir peur de rester bloqué dans une rivière pendant plusieurs heures !

Mais il faut dire que toutes ces péripéties valaient les efforts entrepris… car Tunnel Creek est un lieu extraordinaire. Il s’agit d’une rivière qui passe sous une crête rocheuse. Ainsi il va falloir prendre sa lampe de poche, enfiler son short et ses tongues pour traverser les 750 mètres de grotte où passe la rivière car il va s’agir de marcher les pieds dans l’eau pour atteindre l’autre bout.

L’entrée de la grotte est sublime avec l’éclairage du soleil qui traverse, et dès les premiers mètres il faut mettre les pieds dans l’eau pour progresser. Plus loin l’obscurité commence à se faire mais il est encore possible d’admirer la hauteur sous plafond, digne des plus grands appartements parisiens, mais en plus joli !

À l’intérieur il faut allumer les torches et traverser la rivière à plusieurs reprises. Un panneau à l’entrée previent que l’endroit peut être habité de freshwater crocodiles mais nous n’en verrons heureusement aucun, le bruit des visiteurs de la grotte doit les effrayer. Heureusement, car même s’ils n’attaquent pas les humains, si vous marchez sur leur queue par mégarde vous allez vous retrouver avec une très vilaine morsure. Ainsi on peut traverser la rivière sans avoir trop peur, même si on a quand même un peu d’appréhension. De toute façon l’eau n’est jamais plus profonde que mi-cuisse.

À mi-chemin la lumière du jour apparaît à nouveau : à cet endroit le plafond de la grotte s’est effondré.

C’est grâce à la lumière des lampes que l’on peut ensuite admirer les stalactites et les chauve-souris qui résident là.

Enfin vous arrivez de l’autre côté devant un petit bassin ensoleillé, entouré d’arbre, retour à la réalité temporaire car il faut repartir dans l’autre sens.

Alors oui ce n’est pas vraiment une grosse balade, 750 mètres c’est petit, mais c’est tellement génial de pouvoir se balader à cet endroit (et encore plus sans matériel de spéléo), on est conquis !

Après avoir fait le plein de photos il nous faut reprendre la route pour atteindre Windjana Gorge National Park. La route est sur cette section bien plus tape-cul, avec beaucoup de corrugation, sûrement dûe au nombre plus important de 4x4 qui l’empruntent (et qui n’hésitent pas à rouler à 80-100 km/h), car nous ne sommes qu’à une trentaine de kilomètres de la Gibb River Road, et la plupart des touristes qui l’empruntent font probablement un détour par là. On avance donc en alternant la vitesse de croisière de 60 km/h qui permet de ne pas trop ressentir les vibrations, et quand la route est vraiment trop pourrie on ralentit à 20 km/h ou même moins. Après tout on n’est pas pressés !

Windjana Gorge est un autre petit parc national, mais un peu plus grand que Tunnel Creek. Par contre ici l’accès est payant si vous n’avez pas de passe des parcs nationaux du WA, 11$ par voiture et par jour. Mais il est possible de payer l’accès à la journée et de se rendre plus tard dans un bureau du DEC qui gère les parcs nationaux du Western Australia et de déduire les 11$ du prix d’un passe. C’est ce qu’on fera plus tard à Broome, pratique comme idée.

À l’arrivée à Windjana Gorge nous sommes encore une fois le seul véhicule « conventionnel » garé là, entouré d’énormes 4x4, bus et camions conçus pour traverser la savane à grande vitesse. On se sent un peu étrangers face à tous ces monstres de la route. On fait une pause déjeuner et on part se promener dans Windjana Gorge.

La gorge en elle-même est très jolie, même si la balade n’est pas des plus passionnantes, avec beaucoup de marche dans le sable. Mais l’attrait du coin est tout autre. C’est en effet un des rares endroits où l’on peut voir des freshwater crocodiles de près (enfin pas trop non plus hein) et dans leur environnement naturel. Et pas un crocodile, pas deux crocodiles, non, des tas, plein, partout dans l’eau et au bord de la rivière.

C’est l’occasion de faire des tas de photos ! Bon on reste à distance, il est recommandé de ne pas s’approcher à moins de cinq mètres des crocodiles et je pense qu’on n’ira pas plus près que 10 mètres quand même. Parce qu’ils n’ont quand même pas l’air commode !

C’est après ces deux expériences géniales que nous terminons notre journée avec 22 kilomètres de route cabossée qui nous secoue dans tous les sens avant d’arriver à un camp spot pour la nuit à l’intersection de la Gibb River Road et de Leopold Downs Road.