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Oz. Un an en australie (et plus si affinités)

J+206 — La non-aventure Purnululu

Publié le

(Par Anne)

On a tous en tête l’image de l’Australie, territoire immense et régions entières parfaitement sauvages, à l’écart de toute civilisation. On voit défiler des images de 4x4 traversant le désert, réserves d’essence et d’eau potable sur le toit. On passe à côté de la Gibb River Road, au nord du Western Australia, piste réputée pour sa difficulté (même si certains nous ont affirmé que c’était un peu exagéré). On a croisé plusieurs de ces pistes, en particulier dans le nord du pays et on se dit à chaque fois que ça nous aurait bien tenté de faire un peu de « off road ». On n’est pas fan de grandes villes, on préfère plutôt les grands espaces et l’Australie en a plus d’un en réserve, tous étant tout à fait indiqués pour les personnes en quête de solitude et de paysages de carte postale. Mais se lancer sur des pistes 4x4 nécessite des connaissances sur cette conduite particulière et surtout un véhicule un peu plus adapté et solide que le nôtre. Dommage, on s’imaginait bien en baroudeurs du désert, gravissant et dévalant les dunes, à l’image des pilotes du Paris-Dakar !

On avait repéré plusieurs coins sympa dans le nord du Western Australia dont Purnululu National Park. C’est le royaume des Bungle Bungle, dont les dômes sont de véritables mastodontes. Il y a également de nombreuses gorges aux falaises aux à-pic vertigineux. Le hic, c’est qu’il n’est accessible qu’en 4x4. On l’avait donc rayé de notre liste à contrecœur. Cependant, au détour d’une rest area vers Kununurra, deux Allemands qui ont décidé de tenter l’aventure en 4x4, Ben et Gordon nous proposent de partager leur véhicule pour leur voyage de deux jours à Purnululu. Nous acceptons avec enthousiasme, on va enfin pouvoir traverser des rivières en crue, enchaîner les bosses et les trous béants de la route et rouler sur les plages sans avoir peur d’y rester englués ! On s’endort en imaginant être sur un campement du Paris Dakar (oui, on est en Australie, on n’est pas vraiment sur le chemin, mais la dernière fois que je suis tombée dessus à la télé, ils saccageaient les paysages de l’Argentine, je ne suis pas la seule à ne pas savoir lire une carte !).

Nos rêveries sont interrompues abruptement par le réveil matinal (5h45 !) car le début de notre aventure se situe encore à 200 kilomètres et il nous reste encore pas mal de route ! On doit déjà se rendre à l’intersection avec l’autoroute, et il faudra encore 53 kilomètres pour arriver à l’entrée du parc national et quelques dizaines d’autres pour arriver au camping et chemins de balade.

On dépose notre van dans le caravan park situé à l’intersection, il y a bien une aire de repos pas très loin mais on n’a pas très envie de le laisser sans surveillance pendant deux jours. Ce n’est pas qu’on y soit très attaché, le voir disparaître ne me dérangerait pas tant que ça mais s’il pouvait nous rapporter quelques sous et nous rendre nos affaires avant, ça m’arrangerait ! Le caravan park nous demande 20 dollars la journée, c’est encore pire que le tarif pour se garer à côté du Louvres pour la journée ! A ce prix-là, j’espère que le passage au karcher et le chromage de jantes est compris ! Cependant, vu l’amabilité du bouledogue qui encaisse notre argent, j’ai bien peur qu’on doive se contenter de la place de parking (en cherchant bien, on a quand même eu droit à l’option « à l’ombre » !).

Après avoir vérifié quatre fois que toutes les portes étaient bien verrouillées, notre périple dans la nature hostile et inexplorée pouvait donc commencer ! On prend place à l’arrière (ça fait bizarre d’être assis aussi bas, on a l’impression d’avoir les fesses qui vont râper le sol !) et on regarde défiler le paysage. Les premiers kilomètres ne nous semblent pas très « rough » comme ils disent ici (comprendre : difficiles, raides, compliqués à négocier) et à part quelques passages dans le sable, on se dit qu’on a déjà fait pire avec notre van. Et niveau épopée sauvage et solitaire, la dizaine de voitures qu’on a croisé ne nous mettent pas dans l’ambiance. Ceci dit, les rebonds, secousses, virages serrés et passages sur les cailloux satisfont mes attentes (surtout quand je me dis que ce n’est pas ma voiture qui les subit) !

Ben et Gordon nous informent que ce sont les derniers kilomètres qui sont les plus difficiles à aborder. On patiente donc avant de sortir les casques, les harnais de sécurité et les filets de protection. Malheureusement, nous n’aurons pas le plaisir d’étrenner notre panoplie de super pilotes-aventuriers-explorateurs (qu’on n’a pas eu le temps d’acheter, mais on avait les lunettes de soleil, c’est un bon début, non ?) car, comme Daniel Balavoine, nous n’atteindrons jamais la ligne d’arrivée.

Je vous entends d’ici pousser des cris d’effroi et vous poser des interrogations sur notre sort mais sachez que si c’est le cas, vous n’avez vraiment pas bien lu le début de cet article car premièrement, on n’était pas dans un hélicoptère comme le chanteur à la voix d’eunuque mais dans une voiture et deuxièmement, si j’écris cet article c’est que mon cerveau est encore oxygéné.

Non, on a dû déclarer forfait pour une raison beaucoup plus classique et bien moins mélodramatique : l’incident mécanique. Dix sept kilomètres exactement après notre départ, le Nissan Pajero ne souhaite plus avancer. L’embrayage ou la boîte de vitesse semble être à l’origine de notre arrêt imprévu. En effet, le moteur tourne bien mais il n’y a aucune puissance quand on passe une vitesse et que l’on accélère (ceci dit, vu mes connaissances en mécanique, on pourrait tout aussi bien me dire que ça provient de l’autoradio ou des essuies-glaces, ça ne m’étonnerait pas !).

On gare donc la voiture sur le bas-côté et on attend qu’une voiture passe dans l’autre sens pour aller au caravan park téléphoner à un dépanneur. Contrairement au Paris-Dakar, les autres pilotes s’arrêtent tous pour nous demander quel est notre problème. Un couple de Suédois ramène Sylvain et Ben au caravan park pendant que Gordon et moi tenons compagnie au 4x4. On en profite pour discuter un peu, les deux compères mettant plus de deux heures à revenir. Gordon m’a appris hier qu’il vient de Potsdam, en Allemagne, que je connais sûrement grâce à mes cours d’histoire. N’ayant pas voulu paraître plus bête que je ne suis, je me suis contentée de sourire et d’acquiescer. Maintenant qu’on se connaît mieux, j’ose lui avouer mes lacunes en histoire et lui demander quel rôle a joué Potsdam dans la seconde guerre mondiale (je sais qu’il y a un rapport quelconque avec la boucherie nazie, c’est déjà ça). Sa réponse me rassure, il n’en a aucune idée non plus !

Sylvain et Ben reviennent donc avec Matt, Becka et leurs deux enfants qui ont accepté de les ramener jusqu’à la voiture, le temps qu’on trouve quelqu’un pour remorquer le Nissan au moins jusqu’à l’autoroute. En effet, le dépanneur qu’ils ont trouvé demande 1.200 dollars pour les ramener à jusqu’à son garage, à une centaine de kilomètres de là, outch ! Matt et Becka sont du Victoria et passent leurs trois semaines de vacances à arpenter la côte ouest en 4x4 avec une petite remorque qui n’a pas l’air mais qui devient un véritable petit manoir quand on la déplie. Comme ils ont crevé un pneu de leur remorque sur les 17 km, que Ben les a aidés à le changer et surtout comme ils sont très gentils, ils acceptent de nous tracter jusqu’à l’autoroute. Une fois à l’intersection, Ben et Gordon espèrent trouver quelqu’un qui accepte de les remorquer jusqu’au garage le plus proche. Ils nous ont demandé mais vu que notre van a déjà du mal à se tirer lui-même, on ne souhaite pas tenter le diable.

On se dit avec Sylvain qu’on doit quand même un peu porter la poisse niveau voiture, mais on arrive également à la même conclusion, comme les égoïstes que nous sommes : on est bien content que la malchance ne se porte pas sur notre véhicule, pour une fois !

Bref, Sylvain et moi nous installons dans le 4x4 de Matt et Becka et Ben et Gordon dans leur Nissan Pajero. On met plus d’une heure et demie à faire les 17 km qui nous séparent du caravan park, il ne faut pas rouler vite, on s’arrête pour retendre la corde et ne pas trop abîmer les véhicules et pis bon, on est sur une piste avec du sable et des cailloux, pas facile de tracter là-dessus. Je louche sur le DVD des enfants, Wreck It Ralph, je leur aurais bien piqué mais on n’a pas de lecteur DVD…

Matt et Becka déposent le 4x4 de Ben et Gordon sur une aire de repos à deux kilomètres du caravan park et repartent dans l’autre sens, profiter de leurs vacances avec un peu de retard. On les regarde partir en se disant que décidément, les Australiens sont vraiment sympa. Et pour confirmer cet état de fait, des Australiens, garés là pour la nuit, proposent d’inspecter le 4x4 pour voir s’ils ne peuvent pas aider. Ils trouvent que le réservoir de liquide d’embrayage est vide, ils le remplissent à nouveau et miracle, le véhicule roule comme au premier jour (ou presque).

Ben et Gordon sont aux anges et on se dit que si on n’a pas de chance avec les voitures, que ce soit les nôtres ou celles des autres, on a toujours de la chance pour les réparations. À moins que ce ne soit la gentillesse extraordinaire des Australiens qui nous porte bonheur ! Car si nos espoirs d’équipée aventureuse en 4x4 tombent à l’eau, notre van de pacotille nous aura fait connaître de bien belles personnes.

Ils nous proposent de re-tenter l’aventure le lendemain, mais on se dit que ça nous suffit comme aventure et qu’on va avancer sur la route, tant pis pour Purnululu, on ira une autre fois, peut-être en vélo ?