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Oz. Un an en australie (et plus si affinités)

J+103 et J+104 — Cathedral Ranges (et une explication du washboarding)

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Après avoir récupéré le van tout beau tout propre toujours aussi moche mais en état de rouler, nous avions quelques jours pour nous promener avant de devoir refaire une visite au garage pour vérifier que tout allait bien, qu’il n’y avait aucune fuite etc.. On a donc fait le choix de se rendre à Cathedral Ranges, parc national situé à une centaine de kilomètres au nord est de Melbourne et où des balades sympa dans des massifs rocheux semblaient nous attendre.

Après une première nuit à Buxton où nous avons pu voir un wombat de près, direction Cathedral Ranges et… 10 kilomètres sur une dirt road. Il faut rappeler qu’ici en Australie il y a les routes bien tranquilles, bien goudronnées, en général en bon état, comme on peut les connaître en Europe. Mais il y a aussi les dirt roads, ou gravel roads, ou encore unsealed roads, bref les routes en gravier, en sable, en terre battue, qui sont dans un état variable. Cela peut aller de la route ou des graviers ont été déposés puis aplatis au rouleau-compresseur, relativement plate et pratique à emprunter (souvent limitées à 80 km/h, parfois 100), jusqu’au routes en terre battue qui ont simplement été défrichées et aplaties, tout en gardant de sales trous et de gros cailloux.

Ces routes sont très communes, et peuvent être simplement des routes secondaires, mais aussi des routes principales qui traversent des centaines ou milliers de kilomètres. On peut se dire que c’est un peu tape-cul mais que ça peut aller. Sauf que c’est une grave erreur, car ces routes bénéficient souvent d’un attrait spécifique : le washboarding. Qu’est-ce que c’est, me demandez-vous, ami lecteur avide d’en apprendre plus sur les secrets de l’Australie, vous qui êtes confortablement installé dans votre fauteuil devant votre cheminée à côté d’une fenêtre donnant sur une plaine enneigée (ben oui vous êtes bien en Europe non ?). Et bien je vais vous le révéler pas plus tard que tout de suite.

Une route "washboardée" aux Etats-Unis (Wikipédia)

Pour comprendre le washboarding, il faut comprendre comment fonctionne une suspension de voiture. Quand votre voiture rencontre une bosse, la suspension, qui est la combinaison d’un amortisseur et d’un gros ressort, ne pas juste absorber le choc, elle va rebondir. Le rôle du ressort est d’absorber le choc, mais comme il ne peut pas être absorbé puis disparaître, il va être renvoyé ensuite. Le ressort va donc se contracter puis s’étendre à nouveau pour retrouver sa position initiale. Ce qu’on pourrait traduire par : boum (le choc de la bosse), schloups (le ressort se contracte) puis boing (le ressort se remet en position initiale).

En réalité, si votre voiture n’était équipée que d’un ressort sans amortisseur, ça ferait plutôt boing boing boing boing boing (etc.) car le ressort en reprenant sa position initiale ferait faire un petit saut à la roue, qui ferait donc un nouveau choc, etc etc. C’est là qu’entre en jeu l’amortisseur, qui va amortir le choc et limiter le rebond. En pratique cela permet de limiter mais pas annuler complètement les rebonds successifs.

Revenons donc à notre route en sable, en gravier ou en terre. Vous rencontrez une bosse : boum. Votre ressort absorbe le choc : schloupf. Il renvoie la force du choc en reprenant sa position initiale, tout en étant limité par l’amortisseur : boing. Et comme l’amortisseur ne peut annuler tous les rebonds successifs, ça sera suivi par quelques petits boings. Ces petits boings vont faire rebondir votre voiture, qui va donc tasser le sol un peu plus tous les 5 cm (par exemple). Ainsi la voiture suivante n’aura plus une bosse, mais une bosse suivie de 4 ou 5 petites bosses, et en passant elle va créer elle-même de nouvelles bosses. Et voilà donc comment on crée une route qui fait sauter et vibrer votre voiture dans tous les sens. Visuellement cela donne des genres de petites vaguelettes sur la route. Et plus les vaguelettes sont profondes, plus la voiture va rebondir, elle va entrer en résonance avec la route si on veut, sur une fréquence donnée; ce qui fait vibrer les suspensions et empire l’effet sur la route.

Le résultat : un sacré tape-cul qui va vous faire rebrousser chemin sur pas mal de routes au bout de quelques centaines de mètres, car c’est proprement intenable sans avoir un 4x4, et encore pire avec un van. Sans compter que le washboarding rends la route glissante, en effet vos roues ne sont plus en contact avec le sol que la moitié du temps, l’autre moitié étant passée à rebondir. Donc vous vous retrouvez avec un van qui glisse et dérive. L’effet est encore pire sur le sable et les graviers fins évidemment. Rouler lentement (entre 10 et 30 km/h) aide pas mal à tenir la route quand même, mais impossible de faire plus de quelques kilomètres sans utiliser un 4x4, à moins d’etre maso.

Il n’existe aucune solution contre le washboarding, sauf à n’autoriser à rouler sur ces routes que des voitures sans suspension. Je termine ici cette explication et vous laisser aller scruter Wikipédia, car la théorie que je vous ait exposé n’est pas la seule qui pourrait expliquer pourquoi ces routes ont-elles des vaguelettes, mais ça commencerait à devenir compliqué à expliquer ici.

À Cathedral Ranges, donc, il y avait 10 km de dirt road, ça sautait et vibrait un peu mais c’était acceptable, sur les cinq premiers kilomètres, les cinq derniers par contre, c’était un tout autre problème : ça montait très raide. Sur un chemin en terre et poussière (une sorte de sable ultra fin), avec un van à deux roues motrices, c’était un peu difficile mais nous y sommes finalement parvenus. Ce que nous ne savions pas encore c’est que nous allions devoir refaire ces cinq kilomètres en montée à pied dans la balade de la journée…

Nous avons donc commencé notre première journée à Cathedral Ranges par le circuit sud, qui consiste donc à faire un peu d’escalade à mains nues pour arriver au sommet (Sugarloaf Peak), en nous offrant une vue imprenable sur la vallée. Ça valait le coup de monter jusqu’à 920 mètres d’altitude.

Puis il faut suivre le chemin, qui porte le doux nom de Razorback Track, soit en français « le dos du rasoir », qui justement suit la crête jusqu’au milieu de la montagne. Il faut escalader, enjamber, s’agripper, faire attention où l’on met les pieds, c’est pas particulièrement difficile mais plutôt fatigant sous 33°C en plein soleil. Mais bon on adore ça : c’est très rigolo de devoir sauter de rocher en rocher, même si on se demande parfois par où il faut passer.

Arrivés à the Farmyard, petite aire de camping pour ceux qui font des balades sur plusieurs jours, il est venu le temps de redescendre, via un chemin très bien aménagé, comme d’habitude dans le Victoria où tous les chemins de randonnée sont irréprochables : escaliers, passerelles, ponts, on s’ennuierait presque.

Enfin pour terminer, il ne reste plus qu’à… remonter jusqu’au parking via la route, qui grimpe sévère, surtout sous un soleil de plomb. Une fois arrivés, à court d’eau, on est bien heureux d’apercevoir la couleur criarde du van au loin. Ouf.

Après une nuit passée sur place, une bonne douche d’eau de pluie bien fraîche et un kangourou tout noir qui passait sur la route à côté du camp, on reprends la voiture pour aller au départ du circuit nord qui commence 7 kilomètres plus bas sur la route. Sept kilomètres de descente sur une route très pentue et en graviers ça donne :

— Tiens ça sent pas un peu le plastique cramé ?
— Je crois que c’est les freins qui commencent à faire fondre les pneus.
— Ah.

En effet, après 20 minutes d’usage intensif les freins commençaient à être légèrement brûlants, chaleur qui commençait à se transmettre aux jantes et aux pneus. Heureusement qu’on allait pas plus loin.

Sur le sentier, comme on en a pas assez eu le jour d’avant, c’est reparti pour de la montée, via la même chemin que nous avons descendu le jour précédent. Et ça monte sévère, sous un soleil encore plus chaud : 35°C. Je profite du ruisseau qu’on longe pendant la montée pour mettre de l’eau dans mon chapeau, histoire de refroidir ma tête qui s’échauffe malgré le manque d’activité intellectuelle à ce moment-là. Arrivés en haut on n’a pas terminé d’en baver : détour de 20 minutes par North Jawbone Peak pour jeter un coup d’œil sur la vallée. Blasés de la sublime vue d’hier, on a du mal à y trouver de l’intérêt.

Le plus difficile n’était pas loin : nous devions parcourir Ridge Track, qui comme son nom l’indique suit la crête. Alors donc quand ça suit la crête, c’est pas un petit chemin tranquille un peu en contrebas de la crête, non non c’est vraiment la crête. Sur la photo ci-dessous, ne vous demandez pas « mais où est le chemin ?  » car je vous le dit tout de suite : il est là au milieu de la photo, c’est la crête rocheuse, oui oui.

Une crête rocheuse, qui monte et descends, et qui est cernée par des arbustes qui piquent bien, même à travers les vêtements. Ouille.

Et comme ça ne suffisait pas, vu la chaleur les mouches se sont invitées. Je récapitule donc : un chemin sur la crête, terriblement difficile à suivre où l’on doit regarder à chaque instant où poser ses pieds, où l’on progresse à la vitesse d’environ un kilomètre par heure, des arbustes qui nous attaquent, des mouches par milliers qui nous agressent, et le soleil qui nous tape sur le crâne bien fort. Autant le dire tout de suite : c’était génial. Car oui nous n’avons peur de rien, et c’est une très jolie balade, même si particulièrement difficile.

Enfin, en redescendant enfin la crête nous pensions que ça allait être plus facile, mais c’était sans penser aux arbres tombés. En effet le parc a été sujet à des feux de forêt ces dernières années et de nombreux arbres brûlés tombent au fil des semaines, malgré le travail des rangers pour les dégager. Du coup la descente était également très difficile, entre les arbres juchés au milieu du sentier et les passages entiers du sentier qui ont été arrachés par les racines d’un arbre qui a chu.

Enfin en arrivant et après avoir croisé un échidné tout timide, nous avons pu tremper nos pieds dans la rivière qui passait dans la vallée, après les kilomètres de descente qui les avaient bien échauffés. Il ne restait plus alors qu’une promenade de santé : 4 kilomètres en remontant le long de la rivière jusqu’au parking. Segment reposant où nous avons croisé des kangourous que nous n’avons pu qu’entre-apercevoir avant qu’ils ne fuyent dans les fourrés à notre approche.

Après ces 22 kilomètres épuisants, ajoutés au 9 kilomètres du premier jour, on s’est payés le luxe d’un bon bain dans la rivière, bien mérité même si légèrement glacial. Il ne nous restait plus qu’à dîner et nous diriger vers notre prochain camp pour la nuit. Ouf ! Merci Cathedral Ranges, sûrement un des plus beaux coins du Victoria, on ne t’oubliera pas, même si tu nous en a fait baver !