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Oz. Un an en australie (et plus si affinités)

J-21 — Le permis australien

Publié le

Je vous raconterais peut-être un peu plus tard l’étendue des préparatifs de voyage auxquels je m’attelle dans ces dernières semaines avant de partir, mais je vais commencer déjà par un de ces préparatifs qui est moins commun que pour la plupart des voyageurs : la révision du permis.

Quand on a décidé de partir en Australie avec Anne, on avait bien envie de se prendre un van et de se promener un peu partout, à notre rythme. Seulement le problème c’est que si Anne a bien son permis français depuis plusieurs années, moi je n’ai même jamais commencé à le passer. En effet, j’ai toujours vécu en zone urbaine avec des transports en commun, et avec mon vélo et mes pieds je n’ai jamais ressenti ni le besoin ni l’envie de passer le permis.

Donc j’ai commencé à m’intéresser à comment passer mon permis en France. Et après avoir eu plusieurs contacts pas vraiment enthousiasmants avec les écoles de conduite de ma ville, j’ai dû me rendre à la conclusion suivante : passer le permis en France ça coûte cher, très cher, et c’est long, très long. J’ai donc commencé à regarder le budget, que j’ai évalué de 1500 à 2000 € (le prix moyen payé en France est de 1600 €), et le temps, qu’on m’a indiqué comme 10 mois minimum, et qu’il faudrait attendre 6 à 8 mois de plus pour le repasser si je le ratais. Et que le taux de réussite était de 55% seulement. Pas glop !

Voiture qui tombe !

Moi qui pensais m’y prendre suffisamment à l’avance avec mes 14 mois d’avance, j’ai vite déchanté. Sans compter que si du coup il m’était impossible de repasser le permis après l’avoir raté (car déjà parti en Australie), je risquais de perdre les heures de conduite et le code, et donc de recommencer au début et donc… repayer ! Je commençait sérieusement à me dire que bon je venais d’apprendre le code pour rien et qu’on prendrais le bus en Australie, quand Anne m’a dit : « Hey mais si tu le passais en Australie ton permis, c’est pas plus simple ?  » En voilà une idée qu’elle est bonne !

Et bien après prise de renseignement oui c’est plus simple en Australie ! Et mieux que plus simple, c’est aussi plus rapide et moins cher ! Pour vous expliquer rapidement, en Australie les heures de conduite en auto-école ne sont pas obligatoires, et le coût du permis est de 130 AUD (dollars australien, soit environ 100 €). Chaque étape du permis peut être repassée pour une trentaine de dollars si on la loupe, et le temps d’attente n’est que de quelques semaines ou quelques jours selon l’endroit où on le passe. Et comme vous allez le voir plus bas, c’est vraiment moins contraignant.

Le permis c’est pas le même partout

Comme vous le savez, l’Australie est une fédération, divisée en plusieurs états qui ont plus ou moins d’autonomie selon les sujets. Pensez aux États-Unis ou à l’Allemagne, c’est un peu la même chose, chaque état peut décider de ses propres lois sur pas mal de sujets. C’est un bon cran au dessus des régions françaises, qui sont beaucoup moins autonomes politiquement.

Un bon exemple est justement le permis de conduire, si le permis définitif (Full Australian License) est le même partout, les étapes et les examens pour y arriver diffèrent d’un état à l’autre. Wikipédia explique très bien le sujet, et même si c’est plus contraignant de devoir mémoriser les règles différentes entre chaque état visité, en pratique cela permet aussi de choisir l’état qu’on préfère pour passer son permis.

Dans tous les états le permis est passé en trois étapes au moins :

  • le permis "apprenti" (Learner’s license, ou "L") qui permet de conduire pendant un certain temps aux côtés d’un conducteur référent et expérimenté (supervising driver), doté d’un permis classique, c’est l’équivalent de notre conduite accompagnée sauf que tout le monde doit passer par là ;
  • le permis probatoire (Probationary, ou "P"), semblable à notre permis "A" en France, où il faut se tenir à carreau pendant un certain laps de temps ;
  • le permis définitif (Full license), semblable au notre.

Mais après ça se corse sur les détails entre les différents états. Je ne vais pas tout vous détailler, je vous laisse lire l’article de Wikipédia si vous êtes intéressés, car ici ce qui nous intéresse c’est le permis dans l’état que nous avons choisi pour commencer notre année loin de la vieille europe.

Le permis dans le Victoria

Le permis dans le Victoria

Dans le Victoria on obtient le "L" après un test sur ordinateur qui est un bête QCM relativement basique qui relève à la fois du code de la route et local et à la fois du bon sens élémentaire, à tel point qu’on se demande si certaines questions n’ont pas été placées là pour décourager ceux qui ne sauraient même pas conduire une trottinette. Un exemple pris sur le site de VicRoads, l’autorité locale qui s’occupe de la route et donc du permis, où il est possible de s’entraîner en ligne et gratuitement (!) à passer le test (faites le test pour voir) :

You are driving while very tired. You suddenly realise you cannot remember the last few kilometres of road.
You should :

(Vous conduisez alors que vous êtes très fatigué. Vous réalisez soudainement que vous ne vous souvenez pas des derniers kilomètres de route. Vous devriez :)

  1. open a window and keep driving (ouvrir une fenête et continuer à conduire)
  2. drive faster to frighten yourself into staying awake. (conduire plus vite pour vous faire peur et rester éveillé)
  3. pull over and sleep. (vous arrêter et dormir)

Sérieusement. Ce test est tellement simple que la première fois que je l’ai réalisé, sans jamais rien avoir lu sur le code de la route australien, j’ai obtenu 28 bonnes réponses sur 32. Quand on sait qu’il n’en faut que 25 pour réussir l’examen, on se demande si c’est le vrai examen. Mais oui ça ressemble à ça, le test en ligne est exactement le même que vous aurez à l’examen (les questions sont choisies au hasard parmi une liste qui est disponible publiquement, avec les réponses). Alors oui certaines questions sont tordues et ardues (quand même), mais rien qui ne soit insurmontable après une bonne lecture du livret de code de la route. Livret qui est fourni gratuitement en téléchargement sur le site de VicRoads, en cinq langues.

Jusque là vous l’avez vu j’ai pu apprendre le code, en téléchargeant le livret en PDF sur le site de VicRoads (que j’ai pu mettre sur mon lecteur d’ebook du coup !), puis tester mes connaissances et me préparer à l’examen pour avoir le "L", à n’importe quel moment de la nuit et de la journée, gratuitement. En France pour en arriver à la même étape il aurait fallut payer : l’inscription à l’auto-école, les cours de code, le livret de code, le CD-ROM de code, l’entraînement au code en auto-école, l’entraînement en ligne, etc.

Après m’être bien entraîné, je pourrais prendre un rendez-vous pour passer l’examen (qu’il est possible de passer en 14 langues différentes), coût : 36,70 AUD, soit moins de 30 €. En france c’est bien plus cher ! Je ne cesse de penser depuis que nous avons un grave problème avec le permis en France, qui est le fruit du monopole abusif des auto-écoles. Un exemple : je cherchais le prix des auto-écoles à Dijon. Je n’en ai trouvé aucune qui affiche ses tarifs en ligne. La plupart n’affichaient même pas les prix pratiqués en vitrines, alors que c’est obligatoire de par la loi. Une façon de dire que le prix importe peu, étant donné qu’il est quasiment le même d’une enseigne à l’autre, et que de toutes façons vu qu’on est obligé de passer par une auto-école ce n’est pas un argument. Et surtout, d’empêcher de comparer les prix facilement.

Vous pouvez faire le test : cherchez dans un moteur de recherche "auto école Dijon", dans la première page aucune ne vous donnera ses tarifs. Cherchez maintenant "driving school Melbourne", sur les résultats de la première page, 8 sur les 10 auto écoles présentées affichaient leurs tarifs sur leur site web. C’est très révélateur à mon sens du grave dysfonctionnement du permis français.

La voiture, un truc de riche

Mais revenons à l’Australie !

Learner’s license

Une fois le Learner’s obtenu, si je suis pas trop nul, c’est là que les choses sérieuses commencent. D’abord il faut payer le permis en lui-même, la carte de permis quoi, 21,30 AUD, il est valable dix ans. Ensuite il faut que j’appose un panneau "L" sur ma voiture. Et là je peux conduire, autant que je veux, tant que je suis accompagné d’un conducteur référent ("Supervising driver") qui a son permis depuis cinq ans ou plus. Ce permis peut être australien, auquel cas il doit être définitif et non probatoire, ou étranger.

Vous l’aurez deviné, si tout se passe bien c’est Anne qui sera mon conducteur référent, c’est elle qui m’apprendra à conduire en pratique. Cela ne m’empêchera pas de prendre quelques heures de conduite en auto-école si j’en ressens le besoin ou qu’Anne ne se sent pas de m’apprendre à conduire à gauche (et oui !) comme ça tout de go. Mais je n’y suis pas obligé, et je peux me débrouiller tout seul au maximum. Le conducteur référent doit être aussi irréprochable que le conducteur apprenti sur l’alcool : tolérance zéro ici.

Comme vous l’avez vu ce permis est valable dix ans, et peut être renouvelé, ce qui signifie qu’on peut conduire toute sa vie avec un permis Learner si on le souhaite, tant qu’on est accompagné d’un conducteur référent. Je trouve cela sécurisant de se dire qu’à chaque étape on n’a aucune obligation de continuer à l’étape supérieure si on n’a pas envie. On peut conduire partout en Australie avec ce permis, mais il faut prendre attention aux restrictions des autres états sur les apprentis. Par exemple dans le New South Wales le référent doit obligatoirement avoir un permis australien et pas un permis étranger, c’est une des différences qui nous a fait préférer le Victoria pour commencer, car convertir son permis étranger en permis australien est une étape de plus qui peut se révéler contraignante.

Pour passer à l’étape supérieure certaines restrictions s’appliquent quand même selon l’âge :

  • pour les moins de 21 ans il faut faire au moins 120 heures de conduite, dont 10 heures de nuit, et les avoir consignées sur un carnet de route, et attendre au moins 12 mois ;
  • entre 21 et 25 ans il faut attendre 6 mois ;
  • pour les plus de 25 ans il faut attendre 3 mois.

Donc je devrais attendre trois mois, pendant lesquels je peut très bien ne pas conduire du tout (ça ne serait pas une bonne idée, mais c’est possible), ou conduire beaucoup pour bien me familiariser avec la conduite et me sentir à l’aise pour l’examen. Si au bout de trois mois je ne le sens pas, je peux continuer, il suffit d’attendre le bon moment, celui où on se sent prêt. Aucun risque que le code soit invalidé comme en France et qu’il faille recommencer.

L’examen du permis

Une fois que je le sens donc, c’est le moment de prendre rendez-vous (est-ce que je vous ai dit qu’il est possible de prendre rendez-vous directement sur le site de VicRoads ?) et de passer le permis proprement dit. Dans le Victoria cela se déroule en deux épreuves. La première, dénommée Hazards Perception Test, se déroule devant un ordinateur, où 28 situations différentes sont montrées sous la forme de petites vidéos d’environ 30 secondes selon le point de vue du conducteur. Il faut alors cliquer au moment où on pense qu’il est sûr et sans danger d’effectuer l’action demandée. Par exemple : « vous conduisez derrière un cycliste. Cliquez quand vous pensez qu’il est sûr de le doubler. »

Cet examen, disponible en 14 langues, dure 45 minutes maximum, et il faut répondre correctement à 15 questions au moins pour réussir. Autant dire que ça ne semble pas insurmontable. Cet examen ressemble le plus au code en france, et comme lui il n’est valable que 12 mois. À la différence du code qui ne représente que des images statiques et des QCM, ici le HPT est plus dynamique et teste aussi le temps de réaction du conducteur.

Pour s’entraîner au HPT VicRoads ne propose rien en ligne, juste la possibilité de commander et recevoir (gratuitement encore) un CD-ROM dénommé Drive Smart. Mais le site du South Australia, lui, propose un entraînement en ligne et en vidéo (sous licence Creative Commons By !) à leur épreuve de HPT qui est sûrement un peu différente mais peut donner une bonne idée. Et sur les forums beaucoup de retours qui expliquent les scénarios qui se produisent et comment réagir.

Après ce HPT donc, on s’attaque à l’examen proprement dit : le test de conduite en conditions réelles. Il faut se rendre avec son propre véhicule pour aller chercher l’inspecteur. Oui, comme pour la conduite accompagnée, pas de double commande, donc faut être attentif. La première partie est une inspection du véhicule pour vérifier qu’il est en état de rouler sans danger sur la route. La seconde partie dure 10 minutes c’est un test de conduite simple en conditions tranquilles et réaliser des tâches simples : se garer, faire un demi-tour, changer de voie, etc. Enfin, la troisième partie de 20 minutes consiste à conduire dans un trafic plus fourni, et il faut montrer que l’on sait conduire de manière sûre et en étant en confiance. À la moindre erreur qui peut s’avérer dangereuse (par exemple griller un stop), l’examen s’arrête là. À la fin l’examinateur nous indique de suite si on a réussi ou non.

Après cette dernière épreuve on obtient enfin son permis, mais il n’est pas encore un permis définitif, c’est un permis probatoire P1. Il faut alors enlever la plaque "L" de la voiture et mettre une plaque "P" rouge, et rester irréprochable : tolérance zéro sur le taux d’alcool, utilisation du téléphone interdite, interdiction de transporter plus d’un passager de 16 à 21 ans. Le conducteur référent lui peut souffler un coup et n’a plus besoin d’être sobre. Si au bout d’un an on est resté sage, on évolue en permis probatoire P2 (plaque "P" verte) qui autorise à utiliser un téléphone en mode mains libres et à transporter qui on veut. Enfin, après 3 ans de P2 on passe en permis définitif, valable 10 ans, qui permet de conduire plus de véhicules.

Ça c’est la théorie, mais pour les plus de 21 ans on ne passe pas par l’étape P1, et directement au P2. Le message en Australie est très clair : les jeunes conducteurs sont un risque majeur. Selon leur livret de code, c’est justifié par le taux d’accidents plus élevé chez les jeunes conducteurs :

Il est vrai qu’en France les jeunes conducteurs sont aussi sur-représentés dans les accidents de la route, donc peut-être que c’est une bonne idée de limiter leurs droits pour souligner leur manque de connaissance du terrain, même si je reste sceptique sur l’efficacité de telles mesures.

En tout cas comme vous l’aurez constaté au long de ce long article il est bien plus simple et moins coûteux de passer son permis en Australie, sans compter les nombreux avantages : livrets et entraînements donnés directement par l’autorité en charge des examens, autonomie et liberté de l’apprenti, etc. Ça l’air trop beau pour être vrai, mais je reste prudent quand même, car la pratique sera peut-être moins idyllique, je vous en ferais état ici-même, mais dans le pire des cas, il y a toujours le bus, le train, le tram, le métro, la marche à pied, le vélo, etc. !

Et n’oubliez pas que la voiture n’est qu’une solution temporaire et reste néfaste à la planète, aux cyclistes, aux piétons, aux villes, aux paysages… Bref c’est pas parce que je me suis résigné à passer mon permis, que je m’en vais avoir une voiture à long terme, peu de chance que ça arrive !